[Article] Le nouveau dispositif anti-corruption de la loi Sapin 2

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°5

LA SEMAINE DU PRATICIEN EN QUESTIONS

LOI SAPIN 2
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Le nouveau dispositif anti-corruption de la loi Sapin 2 : quelles avancées et quelles zones d’ombre ?

Astrid Mignon-Colombet, avocat associée, Cabinet Soulez Larivière & Associés et Sandrine Hannedouche-Leric, analyste juridique principale et expert anti-corruption, division de lutte contre la corruption de l’OCDE

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin 2) réforme en profondeur un dispositif français de lutte contre la corruption transnationale qui présentait plusieurs faiblesses. S’inspirant dans une certaine mesure des règles et pratiques en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni, cette loi intègre en droit français des mécanismes qui nécessiteront une acclimatation à notre système de droit pénal. C’est dans cette perspective que méritent d’être explorées les innovations apportées par cette législation de même que les incertitudes qu’elle laisse planer. Les expériences issues du droit étranger sont ici essentielles pour anticiper les possibles modalités de mise en oeuvre du dispositif. Les points de vue exprimés dans cet article par Sandrine Hannedouche-Leric ne sont pas nécessairement ceux de l’OCDE.
Ces questions ont fait l’objet d’une table ronde organisée par la branche française de l’International Law Association (ILA) le 10 janvier 2017. Les lignes de force des échanges qui s’y sont tenus sont ici présentées.

 

Quelles faiblesses de l’ancien dispositif anti-corruption la loi Sapin 2 ambitionne-t-elle de pallier ?
S. H.-L. : En 2014, le groupe de travail de l’OCDE chargé du suivi de la mise en oeuvre de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers (la Convention de l’OCDE) a salué plusieurs réformes significatives, notamment l’augmentation des sanctions pénales pour l’infraction de corruption active d’agents
publics étrangers et la création du parquet national financier. Il a cependant exprimé d’importantes préoccupations quant au caractère limité des efforts entrepris
par la France concernant notamment le champ de l’infraction et la faible proactivité des autorités dans des affaires impliquant des entreprises françaises pour des
faits présumés de corruption à l’étranger, et ce, compte tenu du rôle joué par les entreprises françaises dans l’économie mondiale. Depuis que la France a adhéré à la Convention de l’OCDE en 2000 , aucune entreprise française n’a été condamnée définitivement en France du chef de corruption transnationale, alors même que des entreprises françaises ont été sanctionnées à l’étranger dans de telles affaires, aboutissant notamment à une amende record de 772 millions de dollars versée par Alstom au département de la Justice américain. Seules sept personnes physiques ont été condamnées dans des affaires mineures.

En quoi l’infraction de corruption évolue-t-elle ?
S. H.-L. : Plusieurs conditions préalables à l’établissement de l’infraction de corruption d’agents publics étrangers sont supprimées, à savoir l’exigence de réciprocité d’incrimination et l’exigence d’une plainte préalable de la victime ou d’une dénonciation officielle du pays de l’agent corrompu.
Il est également mis fin au monopole du parquet pour poursuivre les faits de corruption d’agents publics étrangers commis totalement à l’étranger ( L. n°2016-1691, art. 21 ). La loi renforce aussi le cadre répressif, en introduisant une infraction de trafic d’influence d’agents publics étrangers.
La compétence de la France en matière de corruption transnationale est également étendue par la loi qui permet désormais de poursuivre une société étrangère
qui « exerce tout ou partie de son activité économique sur le territoire français ». Cette compétence élargie contraste cependant avec le champ d’application de la
nouvelle obligation de mise en place de contrôles et procédures de conformité ( L. n° 2016-1691, art. 17 ) et l’étendue de la compétence de l’Agence française anti-corruption mériterait également d’être clarifiée à cet égard.

Quel sera le rôle de l’Agence française anticorruption ?

S. H.-L. : Cette Agence devrait mettre au coeur du dispositif français la prévention et la détection de la corruption tout en étant dotée de pouvoirs d’enquête, de
contrôle et de sanction, au travers de la commission des sanctions créée en son sein ( L. n° 2016-1691, art. 17 ).
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Revue la semaine juridique 31 janvier 2017LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°5 – 30 JANVIER 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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