LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°9 – 27 FEVRIER 2017
LA SEMAINE DU DROIT SOCIAL
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CONTRAT DE TRAVAIL
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Confirmation de la conception restrictive de la faute lourde motivant le licenciement
Gilles Dedessus-Le-Moustier, maître de conférences HDR, faculté de droit et de science politique de Rennes, IODE
Cass. soc., 8 févr. 2017, n° 15-21.064, P+B : JurisData n° 2017-001850
Située au sommet de la hiérarchie des fautes, la notion de faute lourde alimente un contentieux marqué par une franche opposition entre la Cour de cassation et les juridictions du fond. En effet, la position exigeante de la Cour régulatrice conduit celle-ci à censurer régulièrement les décisions des juridictions du fond plus réceptives aux arguments développés par les employeurs en faveur de l’admission de la faute lourde. L’arrêt rapporté en fournit une nouvelle illustration.
Dans cette affaire, la cour d’appel de Nîmes a validé le licenciement pour faute lourde d’un salarié, directeur d’agence, expert-comptable, pour avoir tenu, devant les clients de son employeur, des propos contraires aux intérêts de celui-ci en remettant en question le bien-fondé de sa politique tarifaire. Pour les juges d’appel, ce salarié a fait preuve de déloyauté à l’égard de son employeur en le plaçant en situation de porte-à-faux vis-à-vis de plusieurs de ses clients sur l’un des éléments essentiels de la relation contractuelle, le prix de la prestation. L’intention de nuire à l’employeur est caractérisée par le fait que « compte tenu de son niveau de responsabilité (directeur d’agence) et de sa qualification (expert-comptable), l’auteur de ces propos dénigrant la politique tarifaire de la société
devant la clientèle ne pouvait ignorer leur impact et leur caractère préjudiciable (…) ». Censurant sur ce point l’arrêt d’appel, la Cour de cassation énonce que « la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ». Rendu au visa de « l’article L. 223-14 alinéas 1er et 4 du Code du travail, devenu l’article L. 3141-26 du Code du travail, en sa rédaction résultant de la décision n° 2015-523 du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2016 », l’arrêt commenté rappelle le principe désormais bien établi selon lequel il ne suffi t pas que le salarié ait commis un acte préjudiciable à l’entreprise, aussi important
soit-il, ou qu’il ait agi en ayant simplement conscience du caractère dommageable de ses agissements ( Cass. soc., 22 oct. 2015, n° 14-11.291 : JurisData n° 2015-023378. – Cass. soc., 22 oct. 2015, n° 14-11.801 : JurisData n° 2015-023381 ; JCP G 2015, act. 1242, obs. D. Corrignan-Carsin ). Il doit avoir agi avec l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Autrement dit, si les juges du fond veulent retenir la faute lourde du salarié, ils doivent, d’une part, la qualifier de
faute intentionnelle et, d’autre part, établir la preuve de l’intention de nuire à l’aide d’éléments qui ne sauraient se confondre avec le caractère volontaire des actes commis (quant à la définition de la faute lourde permettant d’engager la responsabilité contractuelle du salarié, Cass. soc., 26 janv. 2017, n° 15-27.365 : JurisData n° 2017- 001020. – Cass. soc., 26 janv. 2017, n° 15-27.383 : JurisData n° 2017-001022 ). Sur ce point, il ressort de l’arrêt rapporté que l’intention de nuire ne saurait se déduire du niveau de responsabilité ou de la qualification du salarié. En tout état de cause, si les éléments constitutifs de la faute lourde ne sont pas réunis, le juge peut attribuer aux faits de l’espèce la qualification de faute grave.
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck