Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°9
ÉDITO
Noëlle Lenoir
« L’Europe repose sur la base de « solidarités de fait », mais aussi de droit (s). »
Why Europeans are reading Stefan Sweig again , s’interroge l’Economist évoquant « Le Monde d’Hier » qui décrit le naufrage de la culture européenne cédant le pas dans les années 30 à l’obscurantisme et à la barbarie.
En sommes-nous là ? L’édifi ce européen, modelé par une poignée d’idéalistes de diverses sensibilités politiques, s’écroulera-t-il sous les coups de boutoir du populisme triomphant aux extrêmes de la gauche comme de la droite ? Surement pas, en dépit des efforts des responsables politiques, notamment en France, qui s’acharnent à déconsidérer l’Union européenne pour masquer leur impuissance. Ils portent la responsabilité de la désaffection des citoyens vis-à-vis d’une Europe dont ils ne comprennent plus ni les mécanismes, ni les objectifs. Le recours au référendum est la marque de cette démission collective : depuis le calamiteux référendum sur le traité constitutionnel en France en 2005 qui nous a fait perdre un leadership européen que personne, surtout pas l’Allemagne, ne nous disputait, jusqu’à l’extravagant référendum initié par David Cameron qui a plaidé pour le oui à une Europe que les Tories, dans les pas de Nigel Farage, ne cessent de stigmatiser pour détourner l’attention sur les pratiques bancaires à l’origine de la crise de 2008. Le seul chef de gouvernement ayant eu gain de cause sur son référendum sur l’Europe est Alexis Tsipras qui a appelé en 2015 à dire non à l’ultimatum de ses créanciers – la Commission européenne, la BCE et le FMI – pour se plier aux conditions mises par ceux-ci au sauvetage de l’économie grecque…
Et si les tirs croisés de Donald Trump et de Vladimir Poutine sonnait le glas de l’aventure européenne ? Assurément non, car en dépit du non-respect par la Russie des accords de Minsk sur l’Ukraine, le couple franco- allemand reste ferme et l’UE unie pour maintenir les sanctions motivées par l’annexion illégale de la Crimée ; rappelant par-là le principe international d’intangibilité des frontières. Quant aux provocations de Trump pour qui l’OTAN est « obsolète », elles sont déjà passées par pertes et profits, son vice-président ayant déclaré le 18 février à Munich que « l’engagement américain dans l’OTAN est inébranlable » ! Les Européens n’ont pas attendu les États-Unis pour prendre conscience de la fragilité de leur défense : un rapport de la Commission européenne de juin 2016 préconise de renforcer l’autonomie militaire de l’UE face au droit de véto de l’OTAN sur l’utilisation de ses moyens subordonnée à l’absence d’intérêt à intervenir de l’OTAN ; et l’on voit aujourd’hui se mettre en place un « fonds européen de défense » pour la recherche et la mise en commun d’achats d’équipements militaires, avant le « quartier général permanent » pour l’UE promu par l’Allemagne et la France. Quant au Brexit, fruit d’une campagne émaillée de fake news , il n’incite pas d’autres États à quitter l’UE. C’est même l’inverse, vu les contradictions dans lesquelles les Britanniques sont empêtrés, conduisant Theresa May à tendre la main à Trump pour ensuite clamer « Nous avons voté pour quitter l’UE, pas l’Europe ». En bref, le rêve fou des Pères fondateurs s’est réalisé : l’Europe repose sur la base de « solidarités de fait », mais aussi de droit (s), ce qu’aucune initiative à l’emporte-pièce ne pourra effacer d’un revers de la main… à condition que nos dirigeants surmontent leur insoutenable défaitisme.
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°9 – 27 FEVRIER 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck