La jurisprudence dans le mouvement de l’open data
L’OPEN DATA ET LA JURISPRUDENCE – LA DIFFUSION DE LA JURISPRUDENCE
La diffusion de sa jurisprudence par une cour d’appel
Chantal Arens, première présidente de la cour d’appel de Paris
La diffusion de la jurisprudence, qu’elle soit des cours d’appel ou des juridictions en général doit être pensée dans une perspective plus large qui est celle d’une mutation technologique qui induit un accès quasi-illimité aux données. Le développement à venir d’une anonymisation généralisée dans le cadre de la récente loi pour une République numérique, va bouleverser la diffusion de la jurisprudence des juridictions du premier degré avec la question de savoir quel accès pour quelle diffusion. 1 – Le thème de cette intervention peut surprendre tant la diffusion de la jurisprudence par les cours d’appel elles-mêmes est peu développée. Ne s’agit-il pas plutôt alors d’évoquer l’absence de diffusion de sa jurisprudence par une cour d’appel ? Il me semble que c’est le premier constat qu’il faut faire. Or, cela n’est sûrement pas satisfaisant. Mais nous sommes à la croisée des chemins. Il y a eu des évolutions spectaculaires entre 2013 et 2016 qui seront confirmées avec l’anonymisation et la diffusion de toutes les décisions judiciaires dans le cadre de l’application de la loi pour une République numérique.
2 – Aussi, la question de la diffusion de sa jurisprudence par une cour d’appel me semble avant tout devoir s’inscrire dans une appréhension plus globale, dans une politique publique, au niveau national, sous l’impulsion de la Cour de cassation, après qu’a été évaluée l’importance de la justice prédictive et ses enjeux, pour
reprendre le titre d’un article d’Antoine Garapon. En effet, ce qui est en jeu avec la justice prédictive, c’est-à-dire la justice produite avec les big data, c’est non seulement la prévisibilité, ce qui est plutôt positif, mais également l’office du juge, notamment quand il interprète la règle de droit dans un contexte particulier, puisqu’en exploitant des bases de données de jurisprudence, on peut en effet modéliser les décisions de justice et créer des outils d’analyse et de prédiction. On peut également imaginer le profilage des juges et il ne faut pas sous-estimer « l’e-réputation ». – C’est pourquoi, la diffusion de la jurisprudence, qu’elle soit des cours d’appel ou des juridictions en général doit être pensée dans une perspective plus large qui est celle d’une mutation technologique qui induit un accès quasi-illimité aux données. On ne peut pas séparer open data et big data. Or, cette mutation technologique est accompagnée d’une mutation sociologique,
qui en est la conséquence. En effet, grâce à internet et aux algorithmes ad hoc, applicables dans toutes les matières, le droit n’est plus le domaine réservé des juristes, avocats, magistrats, mais un marché ouvert au même titre que la santé ou l’éducation notamment.
4 – Aujourd’hui, quelle est la situation pour les cours d’appel ? L’article R. 433-3 du Code de l’organisation judiciaire confie au service de documentation, des études et du rapport (SDER) de la Cour de cassation, la tenue d’une base de données rassemblant les décisions de la Cour de cassation et les « décisions présentant
un intérêt particulier rendues par les autres juridictions de l’ordre judiciaire » (…) « La base de données est accessible au public dans les conditions applicables au service public de la diffusion du droit par internet ». Il s’agit de Jurinet. Par ailleurs, une autre base de données a été créée en 2005, JuriCA, base également tenue par le SDER qui rassemble, toujours aux termes de l’article R. 433-3 du Code de l’organisation judiciaire « l’ensemble des arrêts rendus par les cours d’appel et décisions juridictionnelles prises par les premiers présidents de ces cours ou leurs délégués ». De fait, à chaque décision rendue sur WinCi CA (logiciel qui assure la gestion des procédures de manière dématérialisée), un exemplaire est envoyé directement par simple clic du greffe. Actuellement, la diffusion de la jurisprudence des cours d’appel à destination des magistrats et greffiers de France, est donc assurée par la Cour de cassation.
La Semaine Juridique – Édition Générale – Supplément au N°9, 27 février 2017 à télécharger gratuitement
La jurisprudence dans le mouvement de l’open data
Actes du colloque à la Cour de cassation 14 octobre 2016