Emmanuel Daoud, justice et empathie

La Semaine Juridique Edition Générale n°12

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

Élu au conseil de l’Ordre de Paris, Emmanuel Daoud a été désigné responsable du groupe pénal affaires publiques. Aussi mesuré qu’engagé, c’est un habitué des dossiers tant médiatiques que pro bono.

Son bureau comme sa sacoche d’avocat ont des airs de caverne d’Ali baba. Derrière le couloir très sobre du cabinet Vigo, face au Crillon, Emmanuel Daoud reçoit ses clients sur fond de toiles colorées qui tapissent les murs. Et lorsqu’il s’en échappe, ce n’est jamais sans ses grigris, komboloï grec, chapelet japonais, main de Fatima, blottis contre ses dossiers. « Je suis très superstitieux », reconnaît le pénaliste. Serait-ce l’aveu d’un trac résiduel en dépit d’une carrière longue de bientôt 30 ans ? Dès les années 90, il s’investit dans des dossiers emblématiques, plaidés aux côtés de grands avocats dont les bâtonniers Farthouat et Stasi qui, les premiers, l’engagèrent comme collaborateur. Il y eût l’affaire Michel Noir, du nom de l’ancien maire de Lyon, la catastrophe de Furiani (l’effondrement d’une tribune du stade corse), l’incendie du tunnel du Mont- Blanc. Puis la défense du colonel Mazères dans l’affaire des « paillotes » en Corse. « Des dossiers qui vous font grandir », souligne ce fils d’immigrés d’origine kabyle par son père et espagnole par sa mère, qui doit sa vocation à Léon-Lef Forster et Jean-Louis Pelletier qu’il avait vu plaider pendant ses études de droit. Depuis, il a défendu des multinationales, des sportifs, des ONG comme le mouvement le Nid dans le dossier du Carlton ou l’Ecpat dans l’affaire des viols présumés d’enfants commis à Bangui par des militaires français. « C’est une telle leçon d’humilité que de s’exposer en public. Parfois vous vous plantez », assume-t-il. Et de raconter ses débuts parfois naïfs puis plus assurés. Comme ce lendemain d’assises où son confrère de la défense lui annonce le suicide de l’homme qu’il vient de faire condamner à 11 ans de réclusion criminelle. « Ce sont des choses qui vous marquent à jamais ». Des confessions rares dans une profession où chacun joue l’assurance. Idéaliste autoproclamé, il souligne l’importance de qualités comme l’indépendance, l’écoute, l’empathie « y compris pour celui qui vient vous confier des choses abominables et qui passe son temps à mentir », et une certaine capacité à se ressourcer. « Sinon vous vous asséchez et perdez de cette capacité d’indignation qui est un moteur pour l’avocat pénaliste ». Aujourd’hui, il revendique une activité de pro bono à hauteur de 10 à 15 % du chiffre d’affaires en vertu des missions du cabinet pour la FIDH, Amnesty, RSF, l’Alliance des avocats pour les droits de l’Homme (AADH), l’Ecpat, l’ACPE ou plus récemment, la LICRA.
Père de quatre filles, marié à une avocate en droit des étrangers, Emmanuel Daoud conjugue son exercice avec un engagement au pôle pénal du barreau de Paris. Élu de
l’Ordre en 2016, il prépare avec Aurélie Soria un rapport sur les comparutions immédiates pour tenter d’améliorer la défense des « justiciables les plus vulnérables ». Plus globalement, il s’attèle, avec ses confrères, à défendre une certaine vision de la justice dans le débat public, sujet marginalisé dans la campagne présidentielle, et déjà égratigné par des mesures comme l’état d’urgence ou la loi renseignement. Un texte « passé comme une lettre à la poste, s’insurge-t-il. Nous n’avons pas réussi à créer un front commun fort et audible avec d’autres acteurs de la société civile. Et sur bien des sujets nous continuons à sacrifier notre liberté sur l’autel de la sécurité ». Il conclut : « nous avons du travail ». À commencer par la loi relative à la sécurité publique dont le barreau dénonce les dérives, notamment l’élargissement des conditions de légitime défense des policiers. Convaincu de la nécessité « d’utiliser le droit comme outil de dialogue et de pédagogie », l’avocat déplore « la stigmatisation » des magistrats par certains avocats. Son objectif : rassembler pour défendre l’institution. « La justice ne doit pas créer de l’exclusion mais du lien social », lance-t-il. Plus qu’un adage, une ambition.

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE N°12 – 20 MARS 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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