Qu’est-ce que l’empêchement d’un candidat à l’élection présidentielle ?

La Semaine Juridique Edition Générale n°12

LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Qu’est-ce que l’empêchement d’un candidat à l’élection présidentielle ? 

POINTS-CLÉS ➜ L’importante perturbation subie ces derniers temps par la campagne du candidat F. Fillon à l’élection présidentielle, particulièrement à l’annonce de sa possible mise en examen, a pu être présentée comme un cas « d’empêchement » propre à justifier le report de cette élection par le Conseil constitutionnel en vertu de l’article 7 de la Constitution  Cette opinion est discutable car, au-regard du sens strict donné en droit  de façon générale à ce terme, mais aussi de la lettre et de l’économie de l’article 7 qui  l’emploie à plusieurs reprises, l’empêchement doit certainement être compris comme  procédant seulement d’un obstacle irrésistible à la candidature elle-même et non, plus largement, d’une entrave à la promotion de celle-ci 

Jérôme Roux, professeur de droit public à la faculté de droit et de science politique de l’université de Montpellier (IDEDH)

Au plus fort de la crise traversée par le candidat F. Fillon à la prochaine élection présidentielle, l’hypothèse a été avancée que le Conseil constitutionnel pourrait décider de reporter cette élection et certains responsables politiques, à droite, ont même réclamé ce report. Le candidat ayant repris, semble-til, définitivement la main sur son propre camp, l’intérêt pratique d’examiner cette hypothèse s’estompe. Demeure cependant intact l’intérêt juridique de la discuter car, en dépit du crédit que des constitutionnalistes ont pu lui accorder, elle ne paraît pas pouvoir être retenue. Voici pourquoi. Selon l’alinéa 6 de l’article 7 de la Constitution, « si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt des présentations de candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidate décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider de reporter l’élection ». En vertu de l’alinéa suivant, cette faculté de report se transforme en obligation si le décès ou l’empêchement d’un candidat alors dûment présenté, intervient après la clôture de la procédure des parrainages (sans même attendre semble-t-il la publication de la liste officielle des candidats) et « avant le premier tour » de l’élection. La réponse à la question de savoir si, dans les circonstances qui ont saturé l’actualité ces derniers temps et sur le fondement de dispositions constitutionnelles qui n’ont encore jamais été mises en oeuvre, le Conseil aurait pu faire usage de cette faculté dans la semaine précédant la clôture, le 17 mars dernier, de l’enregistrement des « parrainages », voire pourrait être tenu, depuis cette date, de procéder au report de l’élection, dépend entièrement de la définition qu’il retiendrait de la notion d’empêchement. Or, plusieurs arguments conduisent à soutenir que cette définition ne peut couvrir, ni la possible mise en examen d’un candidat, ni la contestation politique même massive de sa candidature, suscitée par cette perspective, et l’enlisement corrélatif de sa campagne électorale.
Certes, de telles vicissitudes correspondent bien à l’un des deux sens que la langue française donne à « l’empêchement ». En effet, empêcher, ce n’est pas seulement « faire obstacle à » une action ou la « rendre impossible » ; ce peut être aussi la « gêner » ou « rendre difficile » son accomplissement, comme le suggère la racine latine de ce verbe, impedicare , qui signifie « mettre une entrave aux pieds », ainsi que le rappelle le dictionnaire de l’Académie française. Or, si une mise en examen n’est, pas plus d’ailleurs qu’un renvoi devant une juridiction pénale, une cause d’inéligibilité et ne fait donc obstacle à une candidature à quelque élection que ce soit, il est manifeste en revanche qu’elle peut la gêner considérablement en perturbant gravement la conduite par l’intéressé, de sa campagne électorale. Mais dans la langue juridique, celle-là même qu’emploie la Constitution, l’empêchement s’entend dans un sens plus restreint, uniquement comme un obstacle, de fait ou de droit du reste, mais non comme un simple frein à l’action. Tel est le cas par exemple en droit civil dans l’expression « empêchement à mariage ». Le libellé même de l’article 7 de
la Constitution corrobore d’ailleurs cette ac- […]

La suite de l’article dans LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 12 – 20 MARS 2017

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