Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°13
LA SEMAINE DU PRATICIEN INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
« L’Autorité de la concurrence exerce une mission d’avocate de la concurrence »
3 questions à Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence agit au nom de l’État et intervient soit après avoir été saisie par un plaignant, soit sur autosaisine. Ses décisions sont soumises au contrôle soit de la cour d’appel de Paris, soit du Conseil d’État. Sa présidente revient dans nos colonnes sur l’activité de l’institution et son fonctionnement.
Quels principaux dossiers l’Autorité de la concurrence aura-t-elle à traiter en 2017 ?
Sur le fond, l’économie numérique restera au coeur de notre activité, tant les enjeux concurrentiels soulevés méritent d’être pleinement appréhendés. Dans un contexte de digitalisation de l’économie, l’Autorité s’est engagée en 2016, dans une vaste enquête sectorielle sur la publicité en ligne, devenue le premier support publicitaire en France. Divers enjeux mériteront notre attention au sein de cet écosystème complexe : certains sont nouveaux – accès aux données générées par les utilisateurs lors de leur navigation, que les grands écosystèmes intégrés pourraient s’accaparer, ou prise en compte de la croissance de la publicité sur les réseaux sociaux ; d’autres sont déjà connus – possible opacité des relations entre agences médias, régies et plateformes. L’année 2017 verra aussi la remise à plat du cadre réglementaire applicable à Canal Plus, cinq ans après les décisions TPS / Canal-Sat (2012) et D8 / D17 (2014). Ces opérations ont été autorisées sous réserve du respect d’une série d’injonctions et d’engagements, venant à expiration en 2017. Au vu de l’évolution des conditions du marché, une nouvelle analyse concurrentielle du secteur de la télévision payante est conduite pour apprécier la pertinence de leur maintien et devrait aboutir à l’été.
Dans le cadre du contrôle des concentrations, l’Autorité s’intéressera également à la concurrence par la qualité dans le secteur de la santé, à la faveur du récent renvoi par la Commission européenne de l’examen d’une opération tendant au rapprochement des deux principaux groupes de cliniques privées en France. L’analyse se concentrera notamment sur l’impact de l’opération sur la qualité des soins, les prix de ces prestations étant largement réglementés. Sur le plan procédural, 2017 sera une année de consolidation. La procédure de transaction introduite par la loi Macron du 6 août 2015, qui s’est substituée à la procédure de non-contestation des griefs, a connu en 2016 sa première année de pleine application. Mais 2017 sera aussi une année d’évolution, avec l’entrée en vigueur des textes de transposition de la directive du 26 novembre 2014 relative à l’action en réparation en matière d’infractions aux règles de concurrence. L’Autorité a contribué à leur élaboration, en oeuvrant au maintien des équilibres instaurés par la directive entre action publique et action privée, tout en les adaptant aux spécificités de la procédure française.
De quels instruments derégulation dispose l’Autorité de la concurrence ?
L’Autorité a en main tous les instruments de la régulation concurrentielle – elle est le « guichet unique » de la politique de concurrence. La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles est son coeur de métier. L’augmentation sensible du nombre de demandes de clémence est source de satisfaction car elle prépare le terrain pour la pratique décisionnelle à venir contre les infractions les plus graves. Mais la sanction n’est pas tout. L’Autorité a une approche pragmatique
et cherche à faire un usage équilibré de tous les instruments à sa disposition. Les mesures conservatoires sont ainsi adaptées aux marchés à évolution rapide où s’observe un repositionnement des acteurs. Pertinentes, proportionnées, elles permettent de préserver la dynamique concurrentielle tout en évitant une atteinte irréversible au marché. L’Autorité en fait un usage constant, ce qui la distingue de la plupart de ses homologues européennes. En contrôle des concentrations,
l’Autorité innove pour mettre son analyse en phase avec la réalité économique du marché, comme en 2016 lors du rapprochement de Fnac et Darty où, pour la première fois en Europe, il a été tenu compte de la pression concurrentielle que les ventes en ligne exercent sur les enseignes physiques dans la définition des
marchés pertinents. Si l’Autorité exerce un contrôle dynamique, elle est vigilante au respect de la parole donnée. Le non-respect des engagements est sanctionné
– comme à l’encontre d’Altice, en mars 2017, au titre d’un engagement pris lors de l’acquisition de SFR. Il en est de même de la pratique dite de gun jumping (V. JCP G 2017, p. XX ) . (…)
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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°13 – 27 MARS 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck