Subrogation au profit du prêteur : attention, danger !

La Semaine Juridique Edition Générale n°16

LA SEMAINE DU DROIT LIBRES PROPOS

SÛRETÉS

Subrogation au profit du prêteur :  attention, danger ! 

POINTS-CLÉS ➜ Dans son avis du 28 novembre 2016, la Cour de cassation affirme que la subrogation au profit du prêteur ne peut pas être réalisée par le créancier    En cas  de défaillance du débiteur, le prêteur ne peut donc pas se prévaloir de la clause de réserve de propriété stipulée au profit du vendeur   Les praticiens doivent modifier leurs contrats et recourir désormais à la subrogation consentie par le débiteur, qui a été assouplie par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 

Antoine Gouëzel, professeur à l’université de Rennes 1

Au détour d’une question relative aux clauses abusives, la Cour de cassation a, dans son avis du 28 novembre dernier, apporté une précision essentielle sur les conditions de la subrogation( JCP E 2017, 1065, note G. Poissonnier ; Gaz. Pal. 21 févr. 2017, p. 68, obs. M. Bourassin ; Banque et droit 2017, n° 171, p. 14, note G. Helleringer ). Sa portée est considérable ; certaines pratiques usuelles doivent être modifiées. La Cour de cassation interdit en effet au créancier de subroger le prêteur dans ses droits (1). Il convient dès lors de recourir à la subrogation consentie par le débiteur (2).
1. La condamnation de la subrogation consentie par le créancier au profit du  prêteur
Le montage sur lequel la Cour de cassation était sollicitée est classique : lors de l’achat d’un véhicule automobile à crédit, le contrat, signé à la fois par le vendeur, l’acquéreur-emprunteur et l’établissement de crédit, comporte d’une part une clause de réserve de propriété au bénéfice du vendeur, et d’autre part une clause de subrogation consentie par le vendeur au profit du prêteur qui lui remet directement les fonds. L’intérêt est de permettre à ce dernier de bénéficier de la clause de réserve de propriété prévue au profit du premier. Il s’agit donc d’une hypothèse de subrogation consentie par le créancier, en vertu de l’ancien article 1250, 1°, du Code civil. Cependant, ce texte vise le cas d’un « créancier recevant son paiement d’une tierce personne ». Comment faut-il entendre cette condition ? Faut-il considérer en l’espèce que le paiement émane du prêteur, dans la mesure où c’est lui qui a fourni les fonds et les a remis matériellement au créancier, ou bien du débiteur puisque les fonds lui appartiennent en vertu du contrat de prêt ? Dans le premier cas, le paiement émane bien d’un tiers et la subrogation peut jouer, pas dans le second.
La Cour de cassation consacre la seconde analyse : « N’est pas l’auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l’acquisition d’un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur ». La conclusion s’impose alors : « Il s’ensuit qu’est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule ».
La solution était jusque-là incertaine. La jurisprudence était nuancée sur cette condition d’un paiement émanant directement d’un tiers (V. J. Mestre, La subrogation personnelle : LGDJ, 1979, n° 57 et s. ). Certains arrêts avaient rejeté les pourvois critiquant la validité du montage en cause, mais l’argument soulevé n’était pas exactement le même (Cass. com., 8 janv. 2002, n° 98-10.691. – Cass. com., 4 mars 2003, n° 00-11.319. – Cass. 1 re civ., 22 sept. 2016, n° 15-14.824 : JurisData n° 2016-019196 ). Les juges du fond étaient quant à eux divisés (V. les arrêts d’appel cités dans le rapport de Samuel Vitse, 28 nov. 2016, n° C1670009 ). La question est désormais tranchée et l’incertitude levée. Sous réserve que les formations de chambre ne contredisent pas la solution ici consacrée, il ne fait aucun doute que celle-ci a vocation à perdurer sous l’empire de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. La subrogation ex parte creditoris a en effet été maintenue par ce texte au nouvel article 1346-1 du Code civil, qui dispose que « La subrogation conventionnelle s’opère à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur ». L’expression « recevant son paiement d’une tierce personne » ayant été reprise à l’identique du droit antérieur, son interprétation ne devrait pas être modifiée. La portée de cette solution est considérable. Concrètement, si l’acquéreur-emprunteur est défaillant, voire fait l’objet d’une procédure de surendettement, le prêteur ne peut plus se prévaloir de la réserve de propriété et ne peut donc plus

Retrouvez la suite de l’article dans La Semaine Juridique Édition Générale N°16, 17 Avril 2017 

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°16  – 17 AVRIL 2017

la semaine juridique édition générale revue lexisnexis droit

La Semaine Juridique – Édition Générale

Le magazine scientifique du droit.

Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.

AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

S’abonner