
Entretien avec :Bernard Teyssié,
Professeur émérite à l’université Panthéon-Assas (Paris II), Président honoraire de l’université
La Semaine juridique – Social : l’édition 2020 du Code du travail LexisNexis vient de sortir. Pouvez-vous nous indiquer quels en sont les apports principaux ?
Bernard Teyssié : La nouvelle édition du Code du travail est d’abord riche des caractéristiques qui faisaient déjà la qualité des éditions antérieures : des textes soigneusement mis à jour avec l’indication précise des modifications qui leur ont été apportées afin que de chacun d’eux, voire de fragments de chacun d’eux (un mot, un alinéa), l’origine puisse être immédiatement identifiée ; une présentation complète et ordonnée de la jurisprudence permettant de trouver aisément les décisions recherchées ; l’indication des études les plus pertinentes, indispensables à celui qui souhaite prendre connaissance des analyses qui ont été consacrées à un texte, un arrêt ou un ensemble d’arrêts, voire aux pratiques développées, notamment dans le cercle des entreprises, à partir des normes en vigueur.
A ces données classiques s’est ajouté, en ce qui concerne cette nouvelle édition, un important transfert de la jurisprudence intervenue à propos du comité d’entreprise et des délégués du personnel sous les articles désormais consacrés au comité social et économique dès lors que les arrêts rendus étaient porteurs de solutions dont il est permis de penser qu’elles demeurent pertinentes pour l’application des dispositions relatives au CSE.
Il va de soi que l’index alphabétique a été profondément revu et renforcé à la lumière des évolutions, parfois des bouleversements, qui ont récemment affecté des pans importants du Code du travail, à commencer par celui dévolu à la formation professionnelle.
SJS : Le Code du travail LexisNexis est-il « multiservices » en ce qu’il constitue un outil de travail aussi bien pour l’étudiant en droit que pour l’avocat ou le juriste d’entreprise ?
B.T : Il l’est dans la mesure où :
– tous les utilisateurs du code recherchent des textes à jour, consolidés, indiquant de manière précise l’origine des modifications qui leur ont été apportées ;
– tous recherchent une présentation claire et ordonnée de la jurisprudence la plus pertinente accompagnée, si nécessaire, d’une présentation des évolutions jurisprudentielles intervenues ;
– tous recherchent des références bibliographiques leur permettant d’aller plus avant dans leurs travaux respectifs.
L’étudiant trouve dans le code des éléments indispensables à la résolution des études de cas qui lui sont soumises, au commentaire des arrêts qui lui sont présentés ou au traitement des thèmes généraux de réflexion qui lui sont proposés.
L’avocat y trouve les briques nécessaires à la construction de l’argumentation qui sera au cœur de la consultation délivrée, des conclusions déposées, des plaidoiries prononcées.
Au juriste d’entreprise le Code du travail apporte les éléments sans lesquels il n’est guère envisageable d’apporter réponse aux questions auxquelles il est confronté qu’elles intéressent l’adaptation des effectifs de l’entreprise, la négociation, l’application ou l’interprétation d’un accord collectif, l’organisation d’un comité social et économique… Si les facteurs extra-juridiques pèsent parfois d’un poids non négligeable dans le traitement des difficultés auxquelles il doit apporter solution, celle-ci doit, en tout état de cause, trouver appui sur le corpus normatif en vigueur, qu’il soit d’origine législative ou réglementaire ou ait été forgé à coup de jugements ou arrêts, notamment du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation, donc sur un corps de règles dont le Code du travail lui offre le libellé précis.
SJS : Le Code du travail est-il le reflet de la politique sociale conduite par les pouvoirs publics ?
BT : Un code est un miroir. Il renvoie une image fidèle des orientations politiques arrêtées par les détenteurs du pouvoir. Tel est le cas lorsque, pour réduire certaines des contraintes pesant sur les entreprises, est opérée la fusion des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT, remplacés par le comité social et économique, lorsque, pour donner plus de « prévisibilité » aux condamnations auxquelles les entreprises peuvent être exposées, les indemnités dues au salarié victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont, sauf exception, soumises à un barème fixant les bornes entre lesquelles peut se déployer la décision du juge, ou encore lorsque, pour tenter de mettre fin à certains errements, est revue en profondeur l’organisation de la formation professionnelle.
Mais un code est aussi le reflet de cette croyance, très présente chez les détenteurs du pouvoir, que légiférer est le meilleur moyen de montrer que l’on agit. La loi est devenue, au fil des ans, un outil de communication politique. De cette dérive, le prix peut être élevé. Sur le plan politique, après avoir nourri l’enthousiasme devant la capacité d’action des locataires des palais de la République, elle peut alimenter le désenchantement face à la minceur des résultats enregistrés lesquels, au demeurant, nécessitent souvent, pour se manifester, plusieurs années alors que nous vivons dans une société de l’immédiateté. Sur le plan technique, elle se traduit par un amoncellement de malfaçons, d’imperfections, d’erreurs qui conduisent souvent à des retouches opérées alors que l’encre du texte initial n’est pas encore sèche. Les dispositions rassemblées au sein du Code du travail n’y échappent pas. Celles issues des ordonnances du 22 septembre 2017 l’ont amplement démontré…
Propos recueillis par la Rédaction

Code du travail 2020, LexisNexis, coll. Codes bleus, 35e ed. 3 900 p., 44,90 €, à jour au 25 juillet 2019 annoté par Bernard Teyssié. Cette 35e édition intègre notamment : • l’ordonnance du 3 juillet 2019 relative aux entrepreneurs de spectacles vivants ; • le décret du 24 juin 2019 relatif à la création d’un congé de paternité en cas d’hospitalisation de l’enfant ; • le décret du 6 juin 2019 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle ; • le décret du 4 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au détachement de travailleurs et au renforcement de la lutte contre le travail illégal ; • la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; • la loi du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants ; • le décret du 27 mars 2019 relatif aux conditions de délivrance de la contrainte par Pôle emploi pour le remboursement des allocations de chômage par l’employeur à la suite d’un jugement prud’homal ; • l’ordonnance du 20 février 2019 modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.