EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 30-35 – 27 JUILLET 2020
La semaine du droit international et européen
Droit au respect de la vie privée
La déchéance de nationalité à l’aune du terrorisme
Frédéric Sudre, professeur émérite, université de Montpellier
CEDH, 25 juin 2020, n° 52273/16 et a., Ghoumid et a. c/ France : JurisData
n° 2020-008627

Les requérants sont 5 binationaux (4 sont marocains, le cinquième est turc) condamnés en 2007 pour participation, de 1995 à 2004, à une association de malfaiteurs dans un contexte terroriste, libérés ultérieurement puis, après avis conforme du Conseil d’État, déchus de leur nationalité française en octobre 2015, en application des articles 25 et 25-1 du Code civil. Ils allèguent une violation de leur droit au respect de la vie privée. Bien que la Convention ne garantisse pas « le droit d’acquérir une nationalité », la Cour a jugé néanmoins que l’impact du droit d’acquérir une nationalité sur « l’identité sociale » de l’individu est tel que ce droit relève de « la portée générale et du champ d’application de l’article 8 » (CEDH, 11 oct. 2011, n° 53124/09, Genovese c/ Malte, § 33). Fort logiquement, elle a ensuite fait tomber la déchéance de nationalité dans le champ de l’article 8 (CEDH, 21 juin 2016, n° 76136/12, Ramadan c/Malte, § 85). Si, en l’espèce, la Cour analyse la mesure de déchéance de nationalité comme une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des intéressés, sa décision est manifestement influencée par le fait que cette mesure a été prise dans le contexte des attentats terroristes de 2015. Rappelant que « la violence terroriste constitue en elle même une grave menace pour les droits de l’homme » (§ 50), la Cour admet ainsi que les autorités françaises aient pu décider, dans un tel contexte, de faire preuve d’une « fermeté renforcée » à l’égard de personnes condamnées antérieurement pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme (§§ 45 et 50). Elle considère d’abord que la décision de déchoir les intéressés de leur nationalité n’est pas arbitraire, la mesure étant légale et les requérants ayant bénéficié de « garanties procédurales substantielles » (§ 47 ) : procédure contradictoire, avis conforme du Conseil d’État, recours en référé, recours en annulation contre les décrets portant déchéance, contrôle de proportionnalité du Conseil d’État dans le cadre de ce recours.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck