APERÇU. – La mort, notion biologique, semble a priori contradictoire avec l’univers du numérique. Il est donc difficile de définir précisément la notion de mort numérique. Pour Maître Sylvain Aubert, notaire et membre de la commission des technologies de l’information et de la communication à la chambre des notaires de Paris, c’est « la fin de toute interaction d’une personne sur le web en raison de son décès». Mais l’identité numérique d’une personne physique composée d’un login, d’un mot de passe et d’une adresse électronique survit après le décès biologique d’un individu.
Qu’advient-il de l’ensemble de ces données numériques ?
Plusieurs problématiques sont, de fait, soulevées : comment ferme-t-on des comptes personnels, tel qu’un compte Facebook ou Twitter ; et comment transmet-on les codes d’accès à une bibliothèque numérique, à un cloud, à une banque en ligne à nos ayants droit ? Aucune réponse précise n’est aujourd’hui apportée. Le notaire aura donc à conseiller son client et lui précisera l’importance d’inscrire au sein d’un testament ses identifiants numériques. Selon Maître Sylvain Aubert « au sein d’une famille il n’est pas rare que les login et mot de passe courants soient connus ; cependant il en est tout autrement des données bancaires, représentant pour nous tous des données à caractère hautement confidentiel ».
Solutions envisagées
Quelle solution envisager, pour sécuriser la transmission des données numériques ? La réponse pourrait-elle venir de cette nouvelle tendance des testaments en ligne, comme Edeneo.fr, par exemple ? « La solution des identifiants numériques ne peut pas être trouvée dans le numérique en raison des risques importants de piratage que rencontrent les différents sites web et d’usurpation d’identité», estime Maître Sylvain Aubert. « C’est au notaire de sécuriser ces données dites sensibles, car nous avons les outils », insiste-t-il, proposant de remettre au goût du jour le célèbre, mais très peu usité, testament mystique, qui pourrait grâce aux données numériques s’offrir une seconde jeunesse. Son avantage : il peut être remis cacheté et scellé au notaire sans être connu de personne. Quant aux successions vacantes ou en déshérence, elles maintiennent une « survie numérique » du défunt ainsi que la disparition de son patrimoine numérique en raison de son inaccessibilité. La transmission des biens relevant du droit de propriété intellectuelle contenus dans des bibliothèques numériques par exemple soulève d’autres problématiques. Maître Sylvain Aubert indique « qu’il est impératif de prendre connaissance des termes du contrat signé par le défunt avec le prestataire. Il est vrai que les contrats se transmettent aux héritiers, cependant lorsque le contrat passé ne confère qu’un droit d’usage au titulaire du compte il ne pourra absolument pas le transmettre à ses propres ayants droits ».
Pour Maître Sylvain Aubert « le testament de demain devrait s’inspirer de la pratique du FCDDV (Fichier central des dispositions de dernières volontés) : les données numériques sensibles seraient rendues non lisibles, transmises par le notaire à un registre tiers et ne seraient consultables qu’au décès de la personne ».
Interview de Sylvain Aubert notaire, membre la commission des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la chambre des notaires de Paris.