[Article] 3 m2 ou l’espace vital minimum par détenu !

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°46

 LA SEMAINE DU DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN

INTERDICTION DE LA TORTURE

1216

CEDH, gr. ch., 20 oct. 2016, n° 7334/13, Mursic c/ Croatie : JurisData n° 2016-022888

Frédéric Sudre, professeur, université de Montpellier

La Cour précise « les principes et normes à appliquer » pour apprécier si l’espace personnel alloué à un détenu dans le cadre d’un hébergement en cellule collective est compatible, ou non, avec l’article 3 de la Convention EDH ( § 91 ). Mais elle infléchit à la baisse son standard de protection. En premier lieu, « l’exigence de 3 m² de surface au sol par détenu en cellule collective doit demeurer la norme minimale pertinente aux fins de l’appréciation des conditions de détention au regard de l’article  3 de la Convention » (§  110 ). Cette surface de 3 m² inclut l’espace occupé par les meubles mais non la surface des sanitaires et vaut pour tous les détenus, qu’ils soient condamnés ou en détention provisoire. Cependant, la Cour se situe en retrait du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui retient la norme minimale de 4 m², dont elle se démarque en faisant valoir qu’elle « joue un rôle conceptuellement différent de celui confi é au CPT ». C’est admettre, de manière préoccupante, que les standards du CPT tendent vers « un degré de protection plus élevé » ( § 113 ) ne sont pas déterminants. En second lieu, la Cour admet que « le fait que l’espace personnel dont dispose un  détenu  soit  inférieur  à  3  m²  dans  une  cellule  collective  fait  naître  une  forte présomption de violation de l’article  3  »  ( § 124  ;  V. également  CEDH, 10 janv. 2012, n° 42525/07, Ananyev et a. c/ Russie, § 148 ) mais elle ajoute que cette présomption n’est pas irréfutable. Si le détenu a pu établir qu’il disposait de moins de 3 m², la charge de la preuve se déplace et il appartient alors au gouvernement défendeur de réfuter cette présomption en démontrant de manière convaincante « la présence de facteurs propres à compenser de manière adéquate le manque d’espace personnel » ( § 126 ).

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 46 – 14 NOVEMBRE 2016

La semaine juridique édition générale, n° 46, 14 novembre 2016

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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