Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°29
LA SEMAINE DU PRATICIEN INFORMATIONS PROFESSIONNELLES
AVOCATS
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« Un examen national, le même jour, sur tout le territoire, avec des sujets uniques, c’est répondre au principe d’égalité, c’est renforcer la légitimité de l’examen »
3 questions à Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux (CNB)
Le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, et le secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Thierry Mandon ont annoncé, le 8 juillet dernier, à l’occasion de Campus 2016, la nationalisation de l’examen d’accès aux centres régionaux de formation à la profession d’avocats (CRFPA) à compter de la rentrée 2017 (V. infra JCP G 2016, prat. 872).
Le président du Conseil national des barreaux (CNB), Pascal Eydoux, apporte son éclairage sur les objectifs de cette réforme qui s’inscrit dans un cadre plus large d’une refonte d’ensemble de la formation initiale des avocats.
Un récent rapport faisait le lien entre le nombre élevé d’avocats, la baisse corrélative de leurs revenus et un accès à la profession trop facilité. En quoi la réforme de l’examen d’accès répond-il à ces problématiques ?
Pascal Eydoux : Votre question laisse à penser que la réforme de l’examen d’accès dans les écoles d’avocats n’aurait d’autre fin que de « réguler les flux ». Il n’en est rien ; d’ailleurs si tel avait été son souhait elle eut sans nul doute trouvé plus opportune à l’application d’un numerus clausus.
Non, ce qu’a voulu la profession, c’est d’abord mettre un terme aux disparités constatées dans les Instituts d’études judiciaires (IEJ) dont les taux de réussite à l’examen variaient entre 17 % et 65 %. Vous conviendrez qu’il y a dans cette disparité quelque chose qui heurte la morale républicaine. Un examen national, le même jour, sur tout le territoire, avec des sujets uniques sur les fondamentaux du droit et des grilles de correction harmonisées, c’est répondre au principe d’égalité qui doit nous habiter, c’est renforcer la légitimité de l’examen.
Mais il est aussi une autre raison à cette réforme : la volonté de mieux cerner les qualités et les aptitudes spécifiques que l’on attend de ceux qui aspirent à exercer la profession d’avocat : méthodologie, capacité d’analyse et de synthèse, identifi cation et compréhension d’un problème juridique…
Ce ne sont pas des considérations numériques qui ont dicté cette réforme (on ne saurait dire en effet qu’il y a trop d’avocats en France alors que le besoin de droit se développe à l’envi), c’est plus simplement l’exigence de compétence. Je suis certain qu’à cette exigence la réforme telle qu’elle se présente aujourd’hui est de nature à répondre pleinement.
Une Commission nationale d’examen composée à parité d’avocats et d’universitaires est créée. Comment va travailler cette commission et permettra-t-elle d’assurer des conditions plus égalitaires d’entrée dans la profession ?
P. E. : Avocats et universitaires vont œuvrer ensemble comme ils le font déjà ! N’oublions pas que les avocats participent aux corrections des copies et entrent dans la composition des jurys d’examen. Les universitaires quant à eux sont présents dans les écoles d’avocats, ils y enseignent, ils sont membres de leurs conseils d’administration, ils participent également aux jurys du CAPA… et tous continueront à le faire.
Voilà longtemps que l’université a compris que si elle avait pour mission de dispenser le savoir, il lui appartenait aussi d’orienter les étudiants vers des carrières professionnelles. Elle s’y emploie et multiplie aujourd’hui les partenariats. Il en est ainsi dans tous les domaines et singulièrement dans celui du droit avec les avocats.
Dois-je vous rappeler que la réforme dont nous parlons est le fruit d’une concertation riche et approfondie entre universitaires et avocats ? Cette concertation se poursuivra au sein de la Commission pour répondre aux principes d’égalité et d’excellence sur lesquels je viens d’insister.
Au-delà de l’unification de l’examen, une réforme d’ensemble de la formation initiale des avocats doit voir le jour. Quelles sont vos préconisations ?
P.E : La réforme de l’examen s’inscrit en effet dans le cadre d’une réflexion globale sur l’accès à la profession d’avocat.
Voilà deux ans déjà que le CNB a voté pour une réforme de la formation initiale laquelle doit être résolument orientée non plus vers l’acquisition d’un « savoir » mais d’un « savoir-faire ». Autrement dit ce que doivent dispenser les écoles d’avocats, ce sont des compétences techniques et professionnelles irriguées par la déontologie.
Souvenons-nous que le CAPA n’est pas autre chose qu’un Certificat d’aptitude professionnelle !
À un cursus ramené de dix-huit à douze mois devra succéder une année de collaboration libérale ou salariée obligatoire dans un cabinet d’avocat. Le titulaire du CAPA sera avocat de plein exercice mais il bénéficiera durant douze mois d’un encadrement, lequel constituera pour nos concitoyens un gage de sécurité juridique.
Cette réforme suppose naturellement une adaptation des textes législatifs et réglementaires, aussi le CNB y travaillet-il
avec détermination avec la Direction des affaires civiles et du Sceau.
Au même titre que la déontologie, c’est la compétence qui fera des avocats les « tiers de confiance » dont notre société a besoin.
Propos recueillis par
Florence Creux-Thomas
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 29 – 18 JUILLET 2016