Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°27
LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS
Élu le 2 mai président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP) (V. infra prat. 801) , Christian Saint-Palais donne de la voix aux assises depuis plus de 20 ans.
Il en va de la défense pénale comme de l’opéra : il faut de toutes les tessitures. Si la voix est quelques octaves endeçà de celle de son mentor et associé, Jean-Yves Leborgne, elle est ronde et rassurante, avec par moment une pointe d’accent des Pyrénées.L’allure est élégante, le style sobre, le sourire cordial. Christian SaintPalais cultive une image plutôt classique, un brin austère. Ce qui lui permet de jouer à contre-emploi. Récemment, on l’a vu aux côtés de la starlette de télé-réalité Nabilla : « son avocat lui a suggéré de me désigner à ses côtés pour lui proposer une défense en rupture avec son exposition médiatique ».
L’avocat s’impose rigueur et distance avec ses clients, « gage de liberté pour moi comme pour eux ». Avant d’accepter un dossier, il interroge sa conscience « vais-je savoir me libérer de mes propres préjugés, de mes propres limites, pour défendre celui qui doit l’être ? Parfois la réponse est non ». Dans l’une de ses premières affaires criminelles, Christian Saint-Palais est commis d’office pour défendre l’un des militants d’extrême droite impliqués dans le meurtre de Brahim Bouarram, jeune Marocain jeté dans la Seine entre les deux tours de l’élection présidentielle de 1995. « Cet acte avait suscité beaucoup d’émotion, je n’aurais pas pensé pouvoir assurer une telle défense. Finalement je l’ai défendu pleinement ».
La défense pénale, cette vocation qu’il avait d’abord jugée inaccessible. Dans une autre vie, l’avocat, fils de paysans béarnais, était instituteur. Avec sa compagne, institutrice rencontrée à l’école de Pau, ils font le pari de réaliser leurs rêves avant d’avoir 30 ans.
Pour elle l’art lyrique, pour lui l’avocature. Instituteur à mi-temps, il débute des études de droit et accède à ce monde qu’il imaginait trop éloigné du sien. Comme si son nom avait scellé son destin, dès son plus jeune âge, Christian Saint-Palais s’intéressait pourtant à la justice. À son père, qui partageait son goût pour la matière, il demandait d’assister à des procès d’assises.
« Cette solennité de la cour me plaisait, j’étais fasciné par ce que je percevais être la solitude de l’avocat. L’image de Gisèle Halimi à Bobigny m’a beaucoup marqué dans ma détermination à devenir avocat ».
Pour les Saint-Palais, c’est l’ascension.
L’un donne de la voix dans les prétoires, l’autre sur scène. En1995, l’ancien secrétaire de la conférence intègre le cabinet Leborgne. « J’exerce ce métier dans les conditions dont je rêvais, auprès d’un avocat que j’admire, celui qui m’a formé.
On apprend par la fréquentation des salles d’audience, en cherchant en soi les qualités que l’on va devoir développer ».
Christian Saint-Palais fait partie du cercle fermé des ténors du barreau. « En fréquentant de très grands avocats pénalistes, j’ai découvert la proximité qu’ils instaurent ». Cet univers particulier lui sied.
La lourdeur des assises, il s’en accommode comme il peut. Fin juin, l’avocat était du côté des parties civiles dans l’affaire Kabou. Il défendait le père contre son ex femme accusée d’infanticide. Mais le plus souvent, il intervient côté défense. L’avocat a beau éprouver depuis deux décennies l’âpreté des audiences, il n’en sort pas tout à fait indemne. « Les avocats pénalistes sont usés par cette accumulation de marques, d’échecs, de combats perdus, à peine éclairés par quelques-uns gagnés.
Les grands bonheurs de succès judiciaires sont très éphémères », décrit celui qui a su très tôt « qu’il en était ». « Entre avocats pénalistes, nous nous reconnaissons. Seuls les pénalistes comprennent les blessures des autres pénalistes. C’est un monde dur mais solidaire ». Dans lequel perdure l’envie de défendre, « Avec le temps, un vrai pénaliste conserve les mêmes passions, les mêmes colères, le même enthousiasme. La vibration à l’injustice reste la même ».
Florence Creux-Thomas
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 27 – 4 JUILLET 2016