Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°7
LA SEMAINE DU DROIT
Civil et Procédure Civile
Plein effet de la clause de dessaisissement de l’avocat
Stéphane Bortoluzzi, docteur en droit, directeur général du Conseil national des barreaux Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, n° 14-23.960, FS P+B+I : JurisData n° 2016-001647
Note à paraître C. Caseau-Roche
La pratique de l’honoraire de résultat est encadrée par une double limite : celle de l’interdiction du
pacte de quota litis et celle de la fixation de l’honoraire complémentaire, en fonction du résultat
obtenu ou du service rendu, dans une convention préalable ( L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 10, al.
5 ). Cet honoraire de résultat n’est normalement dû par le client que lorsqu’il aura été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ( Cass. 2 e civ., 10 mars 2004, n° 01 16.910, FS-P+B+R : JurisData n° 2004-022735 ; Bull. civ. 2004, II, n° 102 ; JCP G 2004, II, 10114, note R. Martin. – Cass. 2 e civ., 10 nov. 2005, n° 04-17.061 : JurisData n° 2005-030632 ; Bull. civ. 2005, II, n° 285 ; JCP G 2006, I, 105, n° 25, obs. R. Martin ) ; à défaut la convention d’honoraires n’est pas applicable, et les honoraires correspondant à la mission partielle effectuée par l’avocat jusqu’à la date de son dessaisissement doivent être appréciés en fonction des seuls critères définis par l’article 10, alinéa 2 (désormais al. 4, L. n° 2015-990, , art. 51, I, 6° ), de la loi du 31 décembre 1971 Cass. 2 e civ., 19 nov. 2008, n° 07- 20.060 : JurisData n° 2008-045882 ; Bull. civ. 2008, II, n° 247 ; D. 2008, p. 3017, obs. V. Avena-Robardet ; JCP G 2009, I, 120, n° 10, obs. C. Jamin. – Cass. 2 e civ., 10 déc. 2015, n° 14-29.871, P+B+I : JurisData n° 2015-027535 ).
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt du 4 février 2016, considère toutefois que si l’honoraire de résultat ne peut être réclamé que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, une convention d’honoraires peut prévoir les modalités de la rémunération de l’avocat en cas de dessaisissement (en ce sens également : Cass. 2e civ., 19 mars 2009, n° 08-14.042, inédit : JCP G 2009, I, 295, n° 9, obs. C. Jamin ). Une cliente qui avait chargé un avocat de la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce l’a dessaisi avant la fin de sa mission et contesté devant le bâtonnier de l’ordre le paiement à l’avocat des honoraires de diligences et de l’honoraire complémentaire de résultat prévus dans la convention d’honoraires
régulièrement signée. Par une ordonnance rendue le 27 juin 2014, le premier président de la cour d’appel de Paris a écarté l’application de la convention d’honoraires en toutes ses dispositions, y compris celles relatives au dessaisissement de l’avocat, pour fixer l’honoraire en fonction des critères prévus par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. L’ordonnance énonce également qu’il n’appartenait pas au juge en charge de la fixation des honoraires de se prononcer sur un éventuel vice du consentement affectant la convention en cause, qui relève selon le premier président de la seule compétence du juge de droit commun et non du bâtonnier.
Cette ordonnance attaquée par la société d’avocat est cassée et annulée. Au visa de l’article 1134 du code civil, la Cour de cassation considère que le juge ne pouvait écarter les honoraires de diligences prévus conventionnellement entre les parties et aurait dû rechercher si, à la date à laquelle il statuait, était intervenue une décision irrévocable permettant d’allouer l’honoraire de résultat également convenu. La clause de dessaisissement de l’avocat produit ainsi son plein effet dès lors que le résultat contractuellement prévu est bien atteint au moment où le juge de l’honoraire statue. Au visa des articles 1108 et 1109 du Code civil relatifs aux conditions essentielles pour la validité des conventions, la deuxième chambre civile réaffirme par ailleurs, dans la continuité de la jurisprudence de la première chambre civile ( Cass. 1 re civ., 29 juin 1999, n° 96-20.647 : JurisData n° 1999-002692 ; Bull. civ. 1999, I, n° 219 ; JCP G 1999, II, 10187, note R. Martin ), la compétence donnée au bâtonnier, et au premier président en charge d’appel, compétence pour statuer sur les exceptions relatives à la validité de la convention d’honoraires dont ils sont saisis.
Cet arrêt est doublement satisfaisant pour les avocats : il donne force exécutoire à la convention des parties pour déterminer les modalités de fixation de l’honoraire de l’avocat, y compris en cas de dessaisissement, et en confiant au juge de l’honoraire la compétence d’en apprécier la validité.
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 7 – 15 FÉVRIER 2016