LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°7-8 – 13 FEVRIER 2017
LA SEMAINE DU DROIT SOCIAL
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CONTRAT DE TRAVAIL
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Conduite sans permis valable et responsabilité du salarié
Cécile Hablot, maître de conférences à la faculté de droit de l’université de Bretagne Occidentale
Cass. soc., 25 janv. 2017, n° 14-26.071, P+B : JurisData n° 2017-000909
À l’encontre de son salarié fautif, l’employeur peut prendre une sanction disciplinaire et s’engager sur le terrain de la responsabilité civile. Néanmoins, la responsabilité contractuelle du salarié est subordonnée à la preuve d’une faute lourde ( Cass. soc., 27 nov. 1958 : Bull. civ. IV, n° 1259. – Cass. soc., 21 oct. 2008, n° 07-40.809 : JurisData n° 2008-045485 ; Bull. civ. V, n° 197. – Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 11-23.920 : JurisData n° 2013-002129 ; Bull. civ. V, n° 37 ), celle-ci supposant une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise ( Cass. soc., 31 mai 1990, n° 88-41.419 : Bull. civ. V, n° 260. – Cass. soc., 26 janv. 2017, n° 15-27.365 : JurisData n° 2017-001020. – Cass. soc., 26 janv. 2017, n° 15-27.383 : JurisData n° 2017-001022 ). Cette règle prétorienne faisant
exception au droit commun serait notamment justifiée par la subordination du salarié à l’employeur et le fait qu’il appartient à ce dernier de supporter seul les risques de l’entreprise. Constituant une nouvelle illustration de ce régime restrictif de la responsabilité contractuelle du salarié, l’arrêt rapporté, relatif
à un cas de conduite par un salarié d’un véhicule de l’entreprise sans permis valable, mérite attention. En l’espèce, un salarié conducteur de poids-lourd a été licencié pour faute grave après avoir conduit des véhicules de l’entreprise tout en sachant que son permis était non valable faute pour lui de s’être soumis à la visite médicale de renouvellement.
Pour condamner le salarié au paiement de dommages et intérêts à l’employeur, les juges du fond retiennent qu’ « en exposant délibérément l’employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d’un véhicule poids lourd de l’entreprise par un conducteur dépourvu de permis valable, ce salarié a exécuté de façon déloyale le contrat de travail ». L’arrêt est censuré : a violé le principe selon lequel « la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde », la cour d’appel ayant décidé que « le licenciement était fondé sur une faute grave » et n’ayant pas retenu « l’existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde ». Le salarié ne peut donc pas être condamné à indemniser son employeur pour le préjudice causé dès lors qu’il n’a pas commis de faute lourde. La gravité du comportement du salarié, son état d’esprit et son exécution déloyale du contrat ne peuvent pas suffire à caractériser l’intention de nuire. Cette dernière implique la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur dans la commission
du fait fautif et ne peut pas résulter de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ( Cass. soc., 22 oct. 2015,n° 14-11.801 : JurisData n° 2015-023381 ; JCP G 2015, act. 1242, obs. D. Corrignan-Carsin. – n° 15-27.365, n° 15-27.383 préc. ). En outre, qu’il existe un élément intentionnel dans les faits n’implique pas nécessairement une intention de nuire ( Cass. soc.,3 oct. 2000, n° 98-45.426 : JurisData n° 2000-006191 ).
Pour finir,on notera qu’à l’occasion d’une autre affaire, certes non relative à la question de la responsabilité pécuniaire du salarié, la faute grave avait pu être retenue pour des faits similaires à ceux de l’arrêt rapporté ( Cass. soc., 17 juin 2009, n° 07-44.853 ).
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE N°6 – 6 FEVRIER 2017
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck