Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°22
LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS
Député de Loire-Atlantique, l’ancien avocat pénaliste Dominique Raimbourg est depuis février 2016 président de la commission des lois de l’Assemblée nationale (V. infra 604, Entretien). Un poste influent pour un homme réputé discret.
Dans son bureau du Palais-Bourbon, il vous accueille avec un Diet Coke, en bouteille, « désolé, nous n’avons plus de verres ». Simple, courtois, Dominique Raimbourg a le regard bienveillant incitant à la conversation. Jusqu’à son entrée à l’Assemblée nationale, il était parvenu à rester hors champ des médias, préservant le secret de ses origines.
Ce travailleur méticuleux, qui a partagé sa carrière entre le barreau et les mandats politiques, s’est hissé à la tête de la plus en vue des 8 commissions permanentes de l’Assemblée. Tous les mercredis matin, dans l’Hémicycle, il a succédé à son ami Jean-Jacques Urvoas comme président de la commission des lois. L’avocat entré en politique en 1989 comme conseiller municipal à Nantes, chargé des questions de prévention de la délinquance, puis comme adjoint au maire dans la municipalité de Jean-Jacques Ayrault, s’attèle à la tâche avec plaisir. Sitôt élu, il a pourtant dû défendre le texte sur la déchéance de nationalité loin d’emporter sa conviction. Un texte « mal engagé » qui a tourné court.
Dominique Raimbourg n’en est pas à son premier texte impopulaire. Depuis son arrivée à la commission des lois en 2001, on lui confie les lois pénales, pas les plus faciles à faire passer dans l’opinion, « le pénal fait l’objet de fantasmes terribles ». Rapporteur en 2014 de la loi Taubira , il a porté la réforme sur la contrainte pénale taxée de laxisme à droite. La loi contient pourtant ce en quoi il croit : l’alternative à la prison et la lutte contre la surpopulation carcérale. Avocat commis d’office pendant 20 ans, il connaît bien le terrain. « J’ai plaidé aux assises près de 200 fois et participé à plusieurs centaines de procès correctionnels ». L’ancien avocat est favorable à une limitation du nombre de places en prison, même si « un ratio est un peu arbitraire ». Récemment il a publié Prison – Le choix de la raison, co écrit avec Stéphane Jacquot, pourtant de droite, avec qui il partage ses réflexions.
Le député à la force tranquille tente de rassembler.
Et qu’importe si ses idées ne passent pas toujours, à l’Assemblée, il a bonne presse, même dans le camp adverse. Fin juriste, doux dans sa rhétorique, il a aussi de l’humour là où on ne l’attend pas.
Évoquant ses deux décennies d’avocat pénaliste où il a côtoyé « le milieu », il déplore « Je ne pouvais pas sortir danser, les videurs me saluaient d’un “Bonjour maître” ».
Dominique Raimbourg a de qui tenir. Sur sa filiation avec l’acteur Bourvil dont il est l’un des deux fils, il veut rester discret, n’appréciant guère d’être présenté comme le « fils de ». Depuis qu’il a été élu au suffrage universel, il accepte d’en parler. « Mon père disait, dès l’instant où on traite tout le monde avec humanité, on devient un grand ».
« Il faut être original sans renier ses origines » défend Dominique Raimbourg qui a tracé sa propre voie. « Ma famille, côté paternel, c’était des agriculteurs et côté maternel, des gens modestes ». Étudiant à Paris, il avait tenté hypokhâgne et les lettres pour devenir journaliste, « un ami m’a convaincu de suivre un cursus de droit en parallèle ».
Il devient avocat de syndicats, avant de prendre des commissions d’office à Nantes où il rejoint un cabinet dans les années 80 avec sa femme, médecin.
Cet attrait pour le pénal ne se démentira pas, autant que son intérêt pour la vie de la Cité. « L’enthousiasme de l’adolescence m’a fait adhérer au parti communiste avant de rejoindre le parti socialiste. Je suis venu à la politique pour comprendre comment les hommes peuvent vivre en paix ».
Omis du barreau en 2008, lorsqu’il est élu député, il reste référent sur les questions pénales, un domaine où peu de parlementaires s’engagent. À la commission des lois, le spectre sera élargi et le temps compté. Dans cette dernière ligne droite du quinquennat Hollande, l’heure politique du député a sonné.
Florence Creux-Thomas
Ils ont dit
« La justice, avec son propre vocabulaire et son tempo, est une grande inconnue pour beaucoup de gens. (…) Expliquer, rassurer, donner confiance : voilà ce à quoi vont devoir s’attacher les juges pendant ces trois jours » (les juges d’instruction ont reçu les victimes des attentats du 13 novembre) (S. Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs, Libération, 24 mai 2016).
« L’enjeu des réunions n’est pas vraiment de faire des révélations sur l’enquête » explique le président de l’Association française des victimes du terrorisme, « Le plus important, c’est qu’un bon contact s’établisse entre les parties civiles et les juges, que les victimes [des attentats du 13 novembre] sentent leur complète implication dans le dossier » (G. Denoix de Saint Marc, Libération, 24 mai 2016).
« Le défi de trouver des solutions pour la justice », ce qui « relève des douze travaux d’Hercule », a été relevé a estimé Alain Tourret pour les radicaux de gauche à propos du projet « Justice du 21 e siècle » (Le Figaro, 24 mai 2016).
« Sur les 210 conseils prud’homaux, 9 concentrent à eux seuls un quart du stock global des dossiers en attente de décision. Il s’agit entre autre de Bobigny, Créteil, Nanterre ou encore Lyon ou Marseille. Nous débloquons 2 millions d’euros. Cela va permettre de mobiliser près d’une cinquantaine de personnes supplémentaires dans les CPH particulièrement en difficulté » (J.-J. Urvoas, Les Échos,
25 mai 2016).
« En décembre 2015, (…) avec mes collègues députés Patrick Mennucci et Dominique Raimbourg, ainsi que Pierre Botton, fondateur de l’association « Prisons de cœur », nous avons déposé un amendement afin de permettre aux journalistes d’accompagner les parlementaires dans les prisons ». Le décret du 20 mai 2016 « entérine ainsi le droit des journalistes de contribuer à faire connaitre l’environnement pénitentiaire et ma volonté d’ouvrir davantage les prisons à la société » (J.-J. Urvoas, communiqué, 25 mai 2016).
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 22 – 30 MAI 2016