Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°19
Conseiller référendaire à la Cour de cassation, Éric Alt est activement engagé dans la lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Des problématiques plus actuelles que jamais (V. infra 578, 3 questions à).
Le mois d’avril s’achève rempli des stigmates des scandales politico-financiers internationaux, Panama Papers et Luxleaks en tête. Voilà vingt ans que le magistrat Éric Alt s’intéresse à ces questions. En 1997, alors affecté à la direction des Affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice, il publiait déjà avec Irène Luc, « La lutte contre la corruption » (éd. Que sais-je ?), une analyse « très critique sur la législation de l’époque », mise à jour et étayée en 2012 dans « L’esprit de corruption », « malheureusement toujours d’actualité ».Ni blasé ni découragé, le vice-président de l’association Anticor, contre la corruption et pour l’éthique en politique, également administrateur de Sherpa, créée en vue de protéger et défendre les populations victimes de crimes économiques, veut rester optimiste. « Les crises à répétition qu’on aurait pu anticiper vont faire évoluer les rapports de force en permettant de ressortir le travail technique réalisé par des ONG et institutions, lequel serait sans doute resté dans les tiroirs ». Il ajoute néanmoins : « ça ne coûtait pas beaucoup à l’État de s’investir sur le sujet ».
Ce que pointe tout particulièrement Éric Alt, c’est « l’évitement légal ou illégal de l’impôt », responsable selon lui « d’une partie de la crise ». Soit 60 à 80 milliards d’euros par an pour la France et 1 000 milliards à l’échelle de l’Union européenne. Dans l’Hexagone, le ministère du Budget bénéficie du monopole des poursuites en matière de fraude fiscale, sujet « peu documenté contrairement aux paradis fiscaux et au crime organisé ». L’Alsacien souligne aussi la responsabilité des « complices de cet évitement » à l’image du cabinet d’audit PwC, témoin dans l’affaire Luxleaks, dont le code éthique « n’était pas du tout appliqué ». « Il en va aussi des cabinets d’avocats qui collaborent ou construisent des montages. On n’est pas totalement innocent quand on fait un usage abusif du droit » dénonce-t-il, regrettant que la loi de finances 2013 n’ait finalement pu intégrer la mesure visant à imposer aux cabinets d’avocats et aux structures d’audit de signaler des montages en matière fiscale comme c’est le cas au Royaume-Uni. Ces dossiers démontrent l’importance des lanceurs d’alerte : « j’espère que la loi Sapin II reprendra des propositions du Conseil d’État qui sont aussi celles de la société civile ».
De 2004 à 2006, Éric Alt alors président de la 31e chambre du TGI de Paris, spécialisée en droit pénal économique et social, mesure les limites de son exercice : « 1 000 affaires fiscales sortent chaque année. Les plus importantes ne sont jamais envoyées devant la chambre correctionnelle ». De là, une volonté renforcée d’œuvrer « pour rendre la loi égale pour tous ». Vice-président du Syndicat de la magistrature, il sera aussi celui de l’association des magistrats européens pour la démocratie et les libertés. Pendant onze ans en administration centrale – dont 18 mois au ministère de l’Environnement -, le magistrat s’est également penché sur la codification de ce droit, « un travail politique difficile ». Il a participé à faire évoluer le droit du nucléaire, à l’époque « entièrement au service du ministère de l’Industrie et des ingénieurs du nucléaire ». Et travaillé sur la réquisition des logements vacants, un texte « très rarement utilisé » malgré l’actuelle crise migratoire. En cause : « les contraintes procédurales, administratives et peut-être l’absence de volonté politique ».
À la veille de la campagne présidentielle de 2017, le magistrat plaide pour « imaginer des formes nouvelles de démocratie » et « une nouvelle architecture des pouvoirs ». Conseiller référendaire depuis 2007, il quittera bientôt la Cour de cassation où il n’a cessé de forger son ambition, encouragé par le discours du premier président : « être mieux entendu ».
Anaïs Coignac
Ils ont dit
« Nous sommes dans une démocratie et Salah Abdeslam est un homme, il a besoin de dire les choses. La justice se rend quand on comprend les choses, sinon il n’y a pas de sens aux procès, pas d’utilité pour les victimes », a affirmé son avocat Me Frank Berton, « Et les charges qui pèsent contre le prévenu n’influent en rien son droit à cette aide ». Avocat, huissier, expert, tous les frais de justices et les honoraires seront assurés par l’État (Marianne, 29 avr. 2016).
« Ce n’est pas la cour d’assises de Paris qui devrait les juger, mais une cour pénale internationale. Ces gens ont commis des actes de guerre », estime l’avocat belge Sven Mary qui a défendu Salah Abdeslam. Il s’interroge sur la capacité de la justice « ordinaire » et de ses acteurs à porter l’accusation ou à endosser la défense des suspects de terrorisme (Libération, 27 avr. 2016).
« Pour le moment la vidéo surveillance est opérationnelle. Ce n’est pas interdit. Nous avons une interrogation et avons besoin d’avoir un chemin juridique qui va être éclairé par la CNIL », a expliqué le garde des Sceaux évoquant « une matière nouvelle ». « Il n’y a pas de cadre légal pour une surveillance 24h/24 [de Salah Abdeslam] », a contesté l’Observatoire international des prisons (OIP) (AFP, 29 avr. 2016).
« Chacun a bien compris où la défense veut en venir. La Cour EDH reconnaît la bonne foi des lanceurs d’alerte. J’essaie d’établir ce critère, c’est une défense légitime », a indiqué au tribunal luxembourgeois l’un des avocats d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte, à l’audience du procès LuxLeaks (P. Penning, Libération, 27 avr. 2016).
« Le droit actuel ne dissuade pas réellement de commettre des fautes lucratives, c’est-à- dire qui rapportent à leur auteur plus qu’elles ne coûtent en dommages et intérêts, comme en matière de contrefaçon, ou d’atteinte à la vie privée par une entreprise de presse », a déploré Jean-Jacques Urvoas, en ouvrant une consultation sur un projet de refonte du droit de la responsabilité civile (Min. Justice, discours, 29 avr. 2016).
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 19 – 9 MAI 2016