[Article] Index de la sécurité juridique, nouvelle étape

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°17

Bruno Deffains et Michel Séjean

Les années récentes ont été marquées par la montée en puissance des indicateurs juridiques. Le virage empirique et quantitatif sous-jacent à la production et l’utilisation des indicateurs n’est pas un fait isolé de la discipline juridique. Il s’inscrit dans un mouvement généralisé dans les sciences sociales et les sciences décisionnelles qui vise à collecter des données empiriques et à les fournir de manière classée et chiffrée aux décideurs publics et managers privés afin de favoriser la prise de décision basée sur des données empiriques.

Dans la mesure où l’on investit dans des pays étrangers dont le droit est peu ou mal connu, où l’on interagit avec des entreprises dont on ne connaît pas bien les caractéristiques, il est nécessaire d’obtenir des informations précises quant à la solidité du système. Les investisseurs ne peuvent pas se baser sur leur seule expérience, mesurer correctement les opportunités économiques basées sur le droit, ils doivent avoir recours au savoir d’un tiers qui soit capable de fournir des informations et si possible de produire la « confiance » qui fait le plus souvent défaut. C’est le rôle aujourd’hui de nombreuses institutions qui visent à réduire l’incertitude et, par là même, à aider à la prise de décision.

L’Index de la sécurité juridique de la Fondation pour le Droit Continental (http://www.fondation droitcontinental.org/fr/ nos_actions/index-de-la-securite-juridique-isj/) s’inscrit dans cette logique en se concentrant sur un aspect de la vie des affaires qui est d’autant plus essentiel que les acteurs de l’économie sont confrontés à une réalité juridique de plus en pluscomplexe, marquée par le pluralisme et la diversité des normes dans la plupart des domaines du droit.

D’un point de vue conceptuel, la sécurité juridique telle qu’envisagée dans le projet n’est ni synonyme d’immobilisme, ni équivalente à l’absence de toute contrainte législative ou réglementaire, voire d’une contrainte minimale. Elle suppose en revanche l’accessibilité du droit applicable ; sa prévisibilité, grâce à la hiérarchie des normes et à des compétences prédéfi nies du législateur et du juge et une stabilité raisonnable dans le temps, et enfin, un certain équilibre entre les intérêts économiques des acteurs concernés.

L’Index de la sécurité juridique est le fruit du travail d’une équipe pluridisciplinaire de juristes et d’économistes réunies au sein du Centre de recherches en économie et droit de l’université Panthéon-Assas. Dans une première phase du travail, l’équipe a mis au point une méthodologie spécifique avant de construire des cas pratiques juridiques destinés à être diffusés dans les pays – représentatifs – sélectionnés. Les réponses à ces cas pratiques ne sont pas sous forme de prose – impossible à noter – mais à travers un questionnaire à choix multiple où chaque élément de réponse fait l’objet d’une notation. Une fois les données collectées auprès de professionnels identifiés comme étant des spécialistes reconnus dans les domaines du droit concernés par les cas, le traitement statistique a conduit à mettre en évidence plusieurs résultats intéressants au premier rang desquels le fait qu’il existe des différences entre pays et entre domaines de droit mais que celles-ci ne présentent pas de caractère systématique en faveur de telle ou telle tradition juridique. Les résultats de la première phase ont porté sur treize pays représentatifs de différents systèmes de droit (Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Maroc, Norvège, Royaume-Uni, Sénégal) et six domaines juridiques (droit des contrats, droit de responsabilité, droit immobilier, droit des sociétés, droit du travail et résolution des conflits).

Forte de cette première expérience et sur la base des échanges qui en ont résulté avec les milieux professionnels et académiques mais aussi avec les organisations internationales à l’image de la Banque Mondiale, la Fondation pour le droit continental a décidé de lancer une nouvelle phase de l’Index en étendant à cinq nouveaux pays (Afrique du Sud, Espagne, Inde, Nigéria et Russie) et quatre nouveaux domaines du droit (droit de l’environnement, droit des entreprises en diffi culté, droit de la propriété intellectuelle et droit des contrats publics). Les résultats sont attendus pour le second semestre 2017.

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 17 – 25 AVRIL 2016

LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 17 - 25 AVRIL 2016

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