[Article] Jérôme Hercé, médiateur pour ses pairs

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°28

LA SEMAINE DU DROIT LES ACTEURS

 

L’ex-bâtonnier de Rouen, Jérôme Hercé, a été désigné médiateur national à la consommation de la profession d’avocat tandis qu’un site dédié a été créé. Un nouveau rôle qu’il assumera trois ans en parallèle de son métier d’avocat.

 

Hormis son statut d’ancien bâtonnier de Rouen, difficile de trouver trace de la vie « d’avant » de Jérôme Hercé sur les moteurs de recherche tant ces derniers l’associent désormais, sur des pages et des pages, à cette fonction nouvelle de médiateur national à la consommation pour la profession d’avocat. C’est que la loi Macron, et avant elle les textes communautaires, avaient ouvert de nouvelles perspectives aux avocats en soulignant le caractère économique et même commercial de leur relation avec leur client.
Notamment, l’ordonnance n° 2015-103 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et le décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation, les désignent en tant que « professionnel lié par un contrat avec un consommateur ».

« La Commission européenne nous rappelle que nous sommes des acteurs économiques comme les autres, souligne Jérôme Hercé. Nous sommes pleinement dans le marché ». Dès lors, l’enjeu devient de normaliser et si besoin, de pacifier cette relation avocat-client au regard des règles et dispositifs en vigueur, la médiation constituant un outil à cet effet. « Pour la fluidité du marché et la confiance des consommateurs, il faut faciliter la résolution amiable des conflits ce qui permet d’éviter le ressentiment », explique le médiateur. Désigné fin janvier par le CNB, il a dû quitter l’instance représentative afin d’éviter d’éventuels conflits d’intérêt, comme le souhaitait la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

Au cœur de ses missions, les conflits liés aux honoraires, même si le recours généralisé aux conventions d’honoraires devrait limiter les incompréhensions. Le médiateur, bientôt aidé d’un collaborateur et d’une assistante, pourra également intervenir en cas de faute déontologique si la responsabilité civile de l’avocat est engagée. Deux conditions : il revient dans tous les cas au consommateur de saisir le médiateur, et ni l’Ordre, premier garant du respect de la déontologie des avocats, ni aucune juridiction ne doit avoir été saisie au préalable. «Il faudra trouver un positionnement pour les assureurs, partenaires très importants dans ce type de dossier», ajoute Jérôme Hercé.

Dès 2000, le Rouennais se formait à la médiation à l’Ifomène, puis à nouveau en 2010 « alors que cette voie alternative devenait une évidence, ce qui n’est pas vrai pour tout », précise-t-il, le regard bleu ciel penché au-dessus de sa monture vitrée. « C’est un complément nécessaire aux tribunaux, beaucoup plus adapté à la vie d’entreprise par exemple, où les gens se croisent au quotidien ».

Né dans une famille de juristes, l’avocat commence à Paris où il rencontre le futur bâtonnier et président du CNB Christian Charrière-Bournazel. Il travaillera dix ans à ses côtés, traitant du civil comme du « très beau pénal », avant de s’attaquer à la propriété intellectuelle. À la fin des années 1990, il s’inscrit au barreau de Rouen à la tête duquel il restera en 2009 et en 2010, tout en conservant « une clientèle fidèle à Paris ». « J’ai mesuré à quel point il était difficile de se réimplanter en province. Mais je n’ai jamais fait de différence entre l’exercice parisien et provincial », dit-il encore.
Membre du CNB à partir de 2012, il s’engage au sein de la commission des textes dont il devient vice-président, conduisant notamment la réforme du droit des obligations de 2014. « À la différence de ce qu’on voit dans l’hémicycle, le travail au sein des commissions est passionnant ». Jérôme Hercé sait qu’aujourd’hui sa nouvelle mission « est une entreprise à elle seule ». Pour autant, il l’assure, pas question de déserter son cabinet, « Pour rien au monde je ne quitterai ce métier ».

 

Anaïs Coignac

 

 

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION  – N° 28 – 11 JUILLET 2016

LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION - N° 28 - 11 JUILLET 2016

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