[Article] La Cour suprême des Etats-Unis dans un monde interdépendant

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°43-44

 

Par Stephen Breyer, juge à la Cour suprême des Etats-Unis

Quand j’ai rejoint la Cour suprême voici 21 ans, mes collègues juges et moi-même nous bornions à observer de temps en temps ce qui se passait au-delà des frontières ou à regarder certaines pratiques en vigueur dans d’autres pays. Cela n’est plus vrai. Aujourd’hui, il nous faut, dans un nombre considérable de cas, nous référer à la législation et à la jurisprudence des autres pays : violations des droits de l’homme, menaces sur la sécurité nationale, piratage informatique, dégradation de l’environnement, corruption en entreprise, violation des droits d’auteur, tout ce à quoi d’autres pays et d’autres juges ont dû faire face, sont également des menaces chez nous. Dans le même temps, un nombre croissant d’Américains s’impliquent couramment dans des relations commerciales internationales et voyagent dans des pays dont les lois et les coutumes sont fort différentes des nôtres. Les questions juridiques nées de ces déplacements, et qui peuvent concerner aussi bien un Américain à l’étranger qu’un ressortissant étranger dans notre pays, sont parmi les plus difficiles à résoudre par les juges. Dans mon ouvrage « La Cour suprême, le droit américain et le monde » (Odile Jacob, 2015, 381 p.), j’explique comment l’interdépendance croissante des États et de leurs citoyens est en train de changer radicalement le travail de la Cour suprême des États-Unis. Voici quelques exemples de cas auxquels nous avons été confrontés ces dernières années :

1er cas : Au milieu des années 1970, Dolly Filartiga, une citoyenne du Paraguay, est venue à New York. Elle y a découvert que Américo Norberto Peña-Irala, le policier qui avait torturé et tué son frère quelques années auparavant au Paraguay, y résidait illégalement. À la suite de recherches, Mme Filártiga a identifié une législation américaine – l’Alien Tort Statute de 1789 – qui lui permettait de poursuivre civilement M. Peña pour le meurtre de son frère. Elle a gagné son procès. Toutefois, M. Peña ayant été expulsé des États-Unis, elle n’a pu récupérer les dommages-intérêts qui lui avaient été alloués par le tribunal. Depuis lors, nos cours et tribunaux ont été amenés à de nombreuses reprises à interpréter cette loi ancienne. La Cour suprême a dû répondre à une question d’importance : quelles sont les personnes qui aujourd’hui encore peuvent bénéficier de la protection de cette loi ? Lorsque le Congrès américain a adopté cette loi, l’objectif était de permettre aux victimes des pirates, qui au XVIIème siècle sévissaient sur les mers, d’être indemnisées. Ces pirates, qui sont-ils aujourd’hui ? Et comment concilier l’interprétation de cette loi quant aux méthodes d’indemnisation des victimes avec les conditions d’indemnisation d’autres victimes dans d’autres pays, par exemple les victimes de violation des droits de l’homme (par exemple, de l’apartheid) ?

 

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LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 43-44 – 24 OCTOBRE 2016 

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