Extrait de la Revue : La Semaine Juridique – Notariale et Immobilière n°19
TONTINE
Contrairement à ce que l’on pourrait penser la clause de tontine insérée dans les contrats d’acquisition en commun est loin d’avoir perdu de son intérêt. Après avoir rappelé le régime juridique, ses principales caractéristiques, et sa fiscalité, nous porterons notre intérêt pratique sur l’insertion de cette clause de tontine dans les statuts d’une société.
Société tontinière et clause de tontine : une nouvelle jeunesse
Sophie Sabot-Barcet, notaire à Monistrol-sur Loire, présidente de la quatrième commission
du 112e Congrès des notaires de France, Violaine Trambouze-Livet, notaire à Le Coteau, rapporteur de la quatrième commission du 112e Congrès des notaires de France
1 – L’insertion d’une clause de tontine (ou clause d’accroissement) dans un acte d’acquisition en commun, permet à chaque coacquéreur d’être propriétaire sous la condition suspensive de sa survie et sous la condition résolutoire de son prédécès. Au premier décès, le survivant est rétroactivement considéré comme seul propriétaire du bien dans son entier et est censé l’avoir été dès l’acquisition. L’immeuble ainsi acquis est donc exclu des actifs de la succession du prémourant qui est réputé ne jamais en avoir été propriétaire.
L’acquisition en tontine est généralement réalisée par deux personnes, mais rien ne s’oppose techniquement à ce qu’elle soit réalisée par davantage d’acquéreurs.
Dans cette hypothèse, au fur et à mesure des décès des acquéreurs, l’immeuble se trouve appartenir aux survivants, jusqu’à devenir la propriété exclusive du dernier survivant.
3 – Le régime juridique du pacte tontinier – C’est l’existence d’un aléa lors de l’acquisition qui est indispensable à la validité de la clause d’accroissement. Le défaut d’aléa conduit invariablement à la nullité de celle-ci.
4 – L’indispensable existence d’un aléa lors de l’acquisition – Pour qu’au premier décès, la mutation au profit du survivant ne puisse être qualifiée de libéralité, la jurisprudence exige que deux conditions soient remplies. Il faut d’une part, que les deux acquéreurs participent au financement de façon quasi égalitaire, et d’autre part que l’âge et l’état de santé de chacun des acquéreurs justifient le caractère aléatoire du contrat.
5 – Le défaut d’aléa et la nullité de la clause de tontine – Le défaut d’aléa peut entraîner la nullité de la tontine pour absence de cause : le bien est alors rétroactivement considéré comme acquis en indivision. L’existence ou non de l’aléa relève bien entendu de l’appréciation souveraine des juges du fond.
6 – Absence d’aléa et espérance de vie – Une trop grande différence d’âge entre les acquéreurs ou un mauvais état de santé de l’un d’eux au jour de l’acquisition peut suffire à faire disparaître tout aléa. Si chaque acquéreur a acquitté sa part dans le prix total, et que le défaut d’aléa résulte d’un ordre quasi certain des décès lors de l’acquisition, le décès du premier acquéreur a pour conséquence principale que sa part dans l’immeuble dépendra de sa succession et sera donc dévolue à ses héritiers. Mais la différence d’âge ne suffit pas toujours à caractériser à elle seule le défaut d’aléa.
7 – Une absence d’aléa dans le financement – Le défaut d’aléa peut aussi résulter d’un déséquilibre important dans le financement de l’immeuble. Dans ce cas, la nullité de la clause de tontine interdira alors de considérer le survivant comme seul propriétaire du bien depuis le jour de l’acquisition. De plus, la qualification de la clause de libéralité peut être retenue et la réduction demandée par les héritiers réservataires si la libéralité porte atteinte à leur réserve. Il faut néanmoins que l’intention libérale du prémourant soit prouvée.
EXEMPLE
➜ Victor et Rose acquièrent un bien immobilier avec clause de tontine au prix de 200 000 €. Victor, gravement malade lors de l’acquisition, paie intégralement le prix. Victor décède. Au jour de son décès le bien immobilier peut être évalué à 210 000 €. À défaut d’aléa dans le financement du bien immobilier et dans les chances de survie, la clause de tontine est nulle. Le bien immobilier dépend de l’indivision existant entre Rose et les héritiers de Victor. Par ailleurs, les héritiers de Rose, s’ils prouvent l’intention libérale de leur auteur à l’égard de Rose, pourront exiger la réunion fictive de la moitié de la valeur du bien au jour du décès soit 105 000 €.
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LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 19 – 13 MAI 2016