[Article] Sophie Bleuet, une vision apaisée à la pénitentiaire

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°15

Après 25 ans de carrière à la tête d’établissements pénitentiaires et de directions interrégionales, Sophie Bleuet a pris la direction de l’École nationale de l’administration pénitentiaire (Enap). Un défi de plus pour cette femme de terrain.

Enthousiaste, chaleureuse et optimiste à l’évocation de sa carrière, on a presque du mal à croire que Sophie Bleuet a évolué vingt-cinq ans dans les longs couloirs de l’autre grande muette de l’État, non la
Défense mais la Pénitentiaire.
C’est lors d’un stage à Soissons que l’étudiante en droit a une
« révélation », de passage dans une commission d’application des peines. « Cela conciliait la notion d’ordre public et une dimension sociale de prise en charge des personnes détenues. C’était vraiment ce que je recherchais », explique-t-elle.

Pour autant, l’Axonaise d’origine n’aurait jamais imaginé accéder un jour aux responsabilités qui lui ont été proposées après vingt ans passés à la direction d’établissements pénitentiaires, en tant que sous-directrice de la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan, puis directrice du centre pénitentiaire de Metz. En 2000 elle avait bénéficié pendant trois ans d’un accompagnement sur mesure par un cabinet de consultants à son arrivée à la direction du centre de détention d’Oermingen.
En mars 2010, elle accepte le poste d’adjointe au directeur interrégional des services pénitentiaires de Centre Est Dijon, en charge de la gestion de 21 établissements et de 13 services pénitentiaires
d’insertion et de probation. Elle prendra trois ans plus tard la tête de la direction interrégionale de Bordeaux. « Je ne me voyais pas faire partie de ces élus, cela me paraissait être le summum
dans une carrière », confie-t-elle.

Chargée durant la dernière décennie de relayer la politique pénitentiaire à l’échelle de l’interrégion, Sophie Bleuet a expérimenté divers dispositifs, consciente de pouvoir mener à ce poste « une véritable action » et « d’innover ». Son seul dogme : se saisir « de tout ce qui peut améliorer nos pratiques » et le redéployer autant que possible à chaque nouvelle affectation. De fait, à la direction de l’interrégion de Bordeaux, elle a instauré, dans deux établissements de son ressort, les « modules de respect », méthode qui a fait ses preuves en Espagne.
L’ambition : participer à la prévention des violences et à la valorisation des métiers pénitentiaires, des surveillants en particulier, en les responsabilisant sur l’évaluation des détenus et le respect d’un
programme d’activités adapté. « Cela tire tout le monde vers le haut. Les détenus et surveillants reconnaissent avoir une autre relation grâce à ces modules », se félicite la nouvelle directrice de l’Enap.

C’est pour son expérience de terrain, son volontarisme apaisé et sa « vision des métiers de la pénitentiaire » qu’Isabelle Gorce, la directrice de cette grande administration, a choisi Sophie Bleuet à ce poste clé. Arrivée à l’Enap dans un climat tendu avec des personnels tourmentés (rythme, vacances de postes, insécurité, risques psychosociaux, …), la nouvelle directrice a déjà organisé plusieurs réunions autour de thématiques à améliorer suivant un calendrier. « J’espère que cela les rassure de voir que leur avis compte », commente-t-elle. Si Sophie Bleuet n’a de cesse d’évoquer la Pénitentiaire dans son versant optimiste, elle ne nie pas les violences qui se multiplient ces dernières années « y compris sur les femmes surveillantes », ni les tensions « plus prégnantes encore en maison d’arrêt » qui sont prises dans un flux quotidien d’entrants, de sortants. Elle rappelle la nécessité de s’astreindre à « un projet précis » qui doit permettre de « garder un cap ». Une mission d’autant plus diffi cile en période de crise. La directrice de l’Enap reste marquée par plusieurs vagues de suicides de détenus à Metz « malgré de nombreuses démarches ». « Il faut pouvoir gérer tout en ayant des projets d’humanité forts, un moteur dans nos métiers », souligne-telle. « Je crois beaucoup à ces moments là, qui redonnent de l’estime aux détenus pour qu’ils en aient envers les autres ».

Anaïs Coignac

Ils ont dit

« Les magistrats n’évoluent pas dans un univers éthéré, suspendus dans l’abstraction des normes sous les lambris de leurs palais de Justice » (J.-J. Urvoas, AN, Discours, 5 avr. 2016).

« Au fond, le projet de ceux qui s’opposent à ce texte [réforme du CSM], est celui d’une transformation fondamentale du rôle du juge (…) Vous espérez en faire une machine vassalisée, dont l’unique mission est la distribution automatique des peines (…) Bref, votre projet est un retour à la magistrature du Second Empire et à des juges clonés dans une discipline hiérarchique sans faille » (J.-J. Urvoas, AN, Discours, 5 avr. 2016).

« Il y a un problème culturel et la justice fi scale doit évoluer , et elle ne le pourra qu’à partir du
moment où elle sera pleinement intégrée au droit commun et non plus dépendante du ministère de l’Économie [question du verrou de Bercy, le ministère des Finances décide s’il doit y avoir une procédure pénale]. Le Sénat a pris position pour faire sauter ce verrou contre l’avis du Gouvernement, il serait souhaitable que l’Assemblée nationale puisse adopter ce texte, car si les manœuvres de blanchiment ne peuvent pas être caractérisées, elles ne seront pas poursuivies en justice (E. Alt, vice-président d’Anticor, Le Monde, 6 avr. 2016).

« Au-delà des mots, il faut des actions » a réagi Thomas Pison, le procureur de Nancy après les propos du garde des Sceaux sur une justice « à bout de souffle ». « La plupart des TGI sont en cessation de paiement depuis le mois de mai ou de juin, a rappelé le procureur. On ne peut plus payer les prestataires qui travaillent avec nous, les experts, les psychiatres, les scientifi ques. Ces
professionnels sont payés avec minimum 4 mois de retard et ne veulent plus travailler pour nous alors que la justice a besoin d’eux » (France Info, 3 avr. 2016).

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 15 – 11 AVRIL 2016 

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 15 – 11 AVRIL 2016

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