[Article] Yves Mahiu, un humaniste à la tête des Ordres

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°9-10

L’avocat rouennais préside depuis le 1er janvier la Conférence des
bâtonniers, qui fédère l’ensemble des barreaux de France et d’Outre mer à l’exception de celui de Paris.

Ouvert et affable, courtois et attentif à son interlocuteur, n’ayant
jamais un mot sans une référence historique ni une pointe d’humour : en ces temps de règne du superficiel et de l’anecdotique, ce qui frappe d’emblée chez Yves Mahiu, c’est cette part assumée d’« honnête homme » au sens où le décrivaient les auteurs du
17e siècle. Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas : derrière cet humaniste à l’esprit chrétien revendiqué qui n’aime rien moins que
l’art des jardins, se cache un vrai moderne, solide dans ses convictions et clair dans leur expression qui, comme le souligne l’un de ses prédécesseurs le bâtonnier toulousain Jean-Luc Forget, « conjugue avec bonheur urbanité et fermeté » et qui, pour son confrère et ami Edouard de Lamaze, « a la parole libre et indépendante ».

Un véritable avocat entre tradition et modernité. La preuve : Yves Mahiu, qui entend placer sa mandature sous le signe de « la prospective, des services et de l’innovation numérique », n’hésite pas à faire la part des choses entre « le respect du dogme auquel on ne touche pas » s’agissant des fondements de la profession, et ce qui relève des « rites appelés à évoluer sans craindre d’être taxé d’hérétique » à propos de la compatibilité de la profession avec les actes de commerce, où encore, sous certaines conditions, de l’exercice de l’avocat en entreprise.
Né à Amiens, en 1958, Yves Mahiu est issu d’une double tradition : une famille de robe côté paternel « présente au palais de justice d’Amiens depuis plus de deux siècles » et d’épée côté maternel. Il aurait pu devenir officier, mais un père dirigiste ne lui laissera guère d’autre choix que d’être avocat.Un métier dont Yves Mahiu, qui aime citer Voltaire (« être avocat, c’est le plus bel état du monde »), a aujourd’hui la passion chevillée au corps. Venu en Normandie pour y fonder sa famille, c’est à Rouen que ce picard pure souche prête serment en 1982, ce qui fait dire à Edouard de Lamaze que « cet amour du terroir français » fera de lui un bon président de la Conférence.
Par atavisme, la défense des confrères s’inscrit comme une évidence. UJA, conseil de l’Ordre (2002-2006), bâtonnat (2007 et 2008), avant de devenir vice-président de la Conférence fin 2014, appelé à succéder au marseillais Marc Bollet qui voit en lui « un homme engagé et déterminé ».

Yaves Mahiu - JCPG n°9-10

Yves Mahiu

« L’unité des Ordres », c’est le signe sous lequel Yves Mahiu avait placé sa candidature : sur celle-ci « repose la construction de la profession d’avocat, c’est-à-dire sur la proximité qui seule permet à l’avocat d’assurer cette défense libre et indépendante ».
C’est ainsi qu’il explique la dualité de représentation de la profession : « un CNB qui représente la profession d’avocat, qui est un concept, et les Ordres qui représentent les avocats, ce qui est une réalité physique ».
Bonne nouvelle pour la gouvernance : Yves Mahiu et le nouveau bâtonnier de Paris, Frédéric Sicard, sont au diapason ; quant à Pascal Eydoux, président du CNB, il forme « le vœu que le nouveau président de la Conférence œuvre à son tour à l’unité de la représentation de la profession en s’inscrivant dans une démarche de légitimité ».

Entre lutte contre le terrorisme et réforme de l’AJ, les sujets d’actualité ne vont pas manquer. L’une des premières prises de position fortes d’Yves Mahiu a concerné la « Jungle » de Calais, appelant à la création d’une maison d’accès au droit dans le bidonville, financée par les barreaux de France : « Le besoin d’accès au droit est énorme, les barreaux de Calais et Dunkerque ne peuvent plus faire face ». Que les convictions d’Yves Mahiu le rendent sensible à la situation de cette « humanité souffrante » est tout sauf une surprise. « La Conférence des bâtonniers vit avec son temps, elle en prend la mesure des enjeux et celui là en est incontestablement un ».

Éric Bonnet

Ils ont dit

« Nous sommes en France un pays qui sous-finance sa justice. (…) Ça va changer, je suis là pour
ça. On m’a nommé pour apporter des solutions » (J.-J. Urvoas, Le Monde, 23 févr. 2016).

« Si j’étais parlementaire, je voterais cette loi [projet de réforme du Code du travail] », a
confié Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, précisant « Je la voterais dans l’état dans lequel elle est aujourd’hui. J’insiste bien (…).
Car ce que je crains le plus, c’est l’essorage parlementaire (…), je connais au Parlement un certain nombre d’experts au parti socialiste, (…) qui vont se faire un plaisir de détricoter cette loi. Et on
risque d’avoir un texte qui, in fi ne, sera plus contraignant pour les entreprises que la situation actuelle » (R. Soubie, Europe 1, 23 févr. 2016).

« Alors que le monde du travail reste dans l’attente d’une réelle simplification de textes
pléthoriques qui se répètent, s’annulent ou se contredisent au gré des interprétations, le projet de loi préparé par le Gouvernement, animé par une vision telle qu’énoncée en termes politiques,
l’emporte sur le pragmatisme. a affirmé Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris (Barreau de Paris, communiqué, 23 févr. 2016).

« J’ai plaidé devant mes confrères, qui m’ont entendue, que si la France vacillait, c’était
toute l’Europe des libertés publiques et individuelles qui risquait de s’écrouler comme un château de cartes » a affirmé la vice-bâtonnière du barreau de Paris à propos du projet de loi sur la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement (D. Attias,communiqué, 25 févr. 2016).

Nominations

Laurent Fabius est nommé président du Conseil constitutionnel en remplacement de Jean-Louis Debré (Décision 19 févr. 2016 : JO 20 févr. 2016).

Corinne Luquiens est nommée membre du Conseil constitutionnel en remplacement de Guy Canivet (Décision 18 févr. 2016 : JO 20 févr. 2016).

Michel Pinault est nommé membre du Conseil constitutionnel en remplacement de Renaud Denoix de Saint Marc (Décision 18 févr. 2016 : JO 20 févr. 2016).

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 9-10 – 29 FÉVRIER 2016

Couverture de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°9-10

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