LA SEMAINE DU PRATICIEN EN QUESTIONS
BANQUE
La banque a-t-elle en 2018 des fonctions sociales ?
Il peut paraître étonnant de parler de « fonctions sociales » à propos de l’activité bancaire tant cette dernière paraît « obnubilée » par son développement et ses performances. Pourtant à y regarder plus près, un nombre non négligeable d’obligations ont été mises à la charge du banquier, surtout ces dernières années, afin que celui-ci vienne en aide à ses clients en situation difficile. Ce fut d’abord par la loi « bancaire » n° 84-46 du 24 janvier 1984 ayant créé un droit au compte au bénéfice des personnes physiques ou morales dépourvues de tout compte de dépôt et confrontées à un refus. Aujourd’hui, les hypothèses sont plus nombreuses. Sont-elles pour autant suffisantes ? On peut légitimement se le demander. Cette question des « Fonctions sociales du banquier » sera abordée dans un colloque, organisé par le Laboratoire DRES de l’université de Strasbourg le 14 février 2017. Les lignes de force des échanges qui s’y tiendront sont ici présentées.
Jérôme Lasserre Capdeville, maître de conférences HDR, université de Strasbourg, spécialiste de droit bancaire. Responsable scientifique du colloque
Nicolas Théry, président de la Confédération nationale du Crédit mutuel
N’est-il pas contradictoire de parler de « fonctions sociales » à propos de l’activité bancaire ?
J. L. C. : Nous ne le pensons pas. Une observation rapide du Code monétaire et financier permet de relever un certain nombre de dispositions légales mettant à la charge du banquier des obligations au bénéfice de ses clients se trouvant dans une situation économique délicate. L’objectif, et ce depuis la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, est d’éviter qu’une personne ne se retrouve exclue du bénéfice des « opérations bancaires de base ». Il est vrai que depuis plusieurs années le passage par la banque est obligatoire : le Code du travail oblige l’employeur à payer par chèque ou virement bancaire les salaires au-delà de 1 500 euros ( C. trav., art. L. 3241-1 ), le Code monétaire et financier interdit les paiements en espèces qui dépassent 1 000 euros ( C. mon. fi n., art. L. 112-6. – C. mon. fi n., art. D. 112-3 ), etc.
Ainsi, un individu exclu des opérations bancaires est quelqu’un susceptible d’être exclu socialement à court terme. Le législateur en a pris conscience et a veillé à utilement régir cette situation N. T. : La fonction sociale de l’activité bancaire s’analyse sous l’angle de la protection des plus fragiles précédemment soulignée, mais aussi par la mission intrinsèque du secteur bancaire.
Les banques ont une utilité sociale de collecte de l’épargne et de financement de l’économie. De la même manière que la monnaie est devenue un élément de la souveraineté et de la construction de l’État, la régulation de l’activité bancaire devient rapidement une nécessité d’ordre public : la banqueroute de Law en 1720 et les émeutes meurtrières qui l’accompagnent l’illustrent. La création de la caisse des dépôts et consignations en 1816, celle des caisses d’épargne deux ans plus tard, marquent la volonté de l’État de protéger l’épargne populaire. À ceci s’ajoute la prise de conscience progressive de la nécessité de réguler le système financier proprement dit, compte tenu des effets en chaîne des crises financières. Ainsi, la stabilité financière s’affirme-t-elle comme un vrai bien public, un élément de la cohésion sociale qu’il appartient aux pouvoirs publics de protéger : la loi bancaire de 1984 comme les décisions internationales, européennes et nationales prises après la crise de 2008 se fondent sur cette conviction …
LA SEMAINE JURIDIQUE EDITION GENERALE
Le magazine scientifique du droit.
Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.
AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck