Bien-être animal

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 28 – 15 JUILLET 2019

LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES

LE MOT DE LA SEMAINE

Bien-être animal

L’information des consommateurs comme levier d’amélioration

Régis Bismuth, professeur à l’École de droit de Sciences Po, Expert du Club des juristes www.lexisnexis.fr et Aude Epstein, maître de conférences en droit privé à l’université Paris Nanterre

De la crise de la vache folle aux vidéos de l’association L214, les raisons de s’inquiéter des conditions de vie, de transport et d’abattage des animaux d’élevage ne manquent pas, d’autant plus que sensibilité et intelligence animale s’imposent comme des réalités scientifiques indiscutables. Les Européens y semblent de plus en plus sensibles, au point que l’initiative citoyenne européenne contre l’élevage en cage vient de passer le cap du million de signatures et que le végétarisme étend son empire.

Les progrès législatifs s’avèrent cependant timides. L’insertion de l’article 515-14 dans notre Code civil a fait couler beaucoup d’encre, mais la portée de ce texte demeure limitée : les animaux sont certes reconnus comme des « êtres vivants doués de sensibilité », ils continuent d’être « soumis au régime des biens » « sous réserve des lois qui les protègent ». Or, les législations protectrices du bien-être des animaux d’élevage s’avèrent lacunaires, que ce soit du point de vue des exigences imposées ou des espèces couvertes.

Aussi, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (EGALIM) introduit certes quelques avancées en matière de bien-être animal (notamment en ce qui concerne la répression des mauvais traitements commis par les professionnels), mais elle reste très décevante dans l’ensemble.

En dépit de l’évolution de l’opinion publique, les partisans de législations plus protectrices continuent à se heurter à des obstacles importants : leurs revendications viendraient saper la liberté de circulation des marchandises, atteindre la démocratisation de la consommation de viande, mettre en péril la pérennité de la filière et, avec elle, de traditions culinaires voire culturelles.

Dans ce contexte, d’aucuns placent leurs espoirs dans une solution de compromis : l’information des consommateurs sur la prise en compte du bien-être animal dans le processus de production permettrait l’amélioration croisée du sort des animaux d’élevage et des acteurs de la filière.

Tandis que certains acteurs montent en gamme sur le bien-être animal, d’autres, en Europe et ailleurs, s’en tiennent à des standards très faibles, voire inexistants. Entre les pires et les meilleures pratiques, une infinie palette de nuances s’établit. Il n’est pas exclu que les producteurs les plus avancés sur le terrain du bien-être animal parviennent à entraîner dans leur sillage bon nombre de concurrents, mais encore faut-il leur démontrer que la bientraitance animale pouvait s’avérer rentable. Rentabiliser les bonnes pratiques volontaires suppose à l’évidence que les consommateurs en soient informés, et c’est ainsi que l’information délivrée aux consommateurs sur le traitement réservé aux animaux d’élevage est destinée à proliférer.

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE

Le magazine scientifique du droit.

Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.

AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck