REVUE PRATIQUE DE LA PROSPECTIVE ET DE L’INNOVATION- N° 2 – OCTOBRE 2017 – ©LEXISNEXIS SA
En partenariat avec le Conseil National des Barreaux (CNB)
Casser les codes !
« C’est pour être plus rationnel, plus calculable, plus prévisible que l’on codait hier et que l’on encode aujourd’hui »
Louis DEGOS,
directeur de la revue
Expression hautement polysémique mais tellement d’actualité ! Tous les codes sont concernés, ceux de notre sacro-sainte codification comme ceux de l’encodage que l’on pense diabolique parce qu’il serait susceptible de nous automatiser, voire de noyer le droit dans la masse du big data où chaque information compte autant qu’une autre. Le droit est-il devenu un fait comme un autre ? C’est ce que nous verrons dans ce numéro, mais arrêtons-nous d’emblée à l’objectif de cette factualisation du droit : l’efficacité ou l’efficience de la justice.
Car c’est pour être plus rationnel, plus calculable, plus prévisible que l’on codait hier et que l’on encode aujourd’hui. Ainsi la règle de droit est à la portée de tous, parce que l’accessibilité au droit serait l’élément déterminant de son efficacité…
C’est du moins un des axes du plan pour la justice numérique ici présenté par le secrétaire général du ministère de la Justice, plan qui s’inscrit dans l’environnement de l’open data qu’Axelle Lemaire qui a porté la loi éponyme, décodera pour nous.
Les attentes des justiciables, que l’on nomme « consommacteurs » de droit, vont dans le même sens : ils veulent du service et même du téléservice, le droit et la justice sont participatifs, l’économie est collaborative. Le siècle n’a pas deux décennies et déjà le codeur perce sous le juriste qui mettra à disposition des « contrats-sources » que le consommacteur utilisera à sa guise pour créer « son » contrat. On voit aussi poindre le juge-robot et l’avocat-robot, saisis par « appli », dont les décisions ou les process sont formatés par des algorithmes qui savent parler notre langage dit naturel. C’est l’ère de l’interactivité, et donc des interactions et du dialogue, qui permettent aux consommacteurs et aux algorithmes d’être « auto-apprenants » et qui font que tout est plus intelligent, plus « smart » (smart-phone, smart-contrat,… smart-justice ?). Cela pose bien sûr des questions de responsabilités, à tout le moins partagées : le justiciable qui rédige son contrat ou saisi un juge prend son risque.
Mais quid de l’algorithme ? Dans l’éditorial du numéro précédent, nous posions à cet égard la question de la roboéthique qui couvre à la fois les domaines d’intervention de l’algorithme (jusqu’où peut-on utiliser la machine ?) et ses moyens d’intervention (jusqu’où la machine peut-elle aller ?). Reste à savoir qui pourra juger de la compétence et de la loyauté d’un algorithme et comment ? Sur ces questions il est effarant de voir combien la profession d’avocat semble peu concernée tant elle n’investit rien, ou si peu, dans la recherche et le développement (R & D) et qu’elle demeure frileuse au regard de possibles financements ainsi que cela est relevé dans les pages qui suivent, alors qu’en parallèle, l’information juridique se transforme fondamentalement comme en témoigne la maison d’édition de cette Revue.
Casser les codes, c’est tout cela… C’est se transformer et même se révolutionner pour changer notre soi-disant ADN national, pour ne pas dire gaulois, individualiste et exclusif de toute autre activité qui ne serait pas purement juridique (et encore, certains s’arrêteraient aux seules activités judiciaires !). Il est encore et toujours temps de faire nos choix stratégiques individuellement et collectivement en oubliant notre déformation professionnelle : nous plaidons mais le juge tranche, nous conseillons mais le client décide.
Le penchant naturel de la profession à l’immobilisme n’est plus compatible avec l’accélération du temps et surtout avec la mobilité sous toutes ses formes et dans tous ses états (thème d’un des ateliers de la commission Prospective du CNB lors de la Convention nationale des avocats).
Réformer et adapter notre exercice et notre gouvernance sont nécessaires pour être, à part entière, des professionnels du droit de la Justice du 21e siècle. Et pour casser les codes, lire la Revue Pratique de la Prospective et d’Innovation est bien sûr indispensable, mais pas suffisant car il nous faudra aussi entrer dans l’action.
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REVUE PRATIQUE DE LA PROSPECTIVE ET DE L’INNOVATION– N° 2 – OCTOBRE 2017 -© LEXISNEXIS SA