EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 25 – 22 JUIN 2020
LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES
LE MOT DE LA SEMAINE
Chambres commerciales internationales
Deux ans après leur création : bilan et perspectives dans un contexte remanié
Jean-Sébastien Bazille, avocat, Gide, partenaire du Club des juristes

Le 7 février 2018 étaient signés deux protocoles entre le barreau de Paris et, respectivement, le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris, instituant officiellement les chambres commerciales internationales de Paris.
L’objectif était de renforcer l’attractivité de la place de Paris dans un contexte de concurrence internationale entre juridictions, exacerbé en Europe par le Brexit. Après avoir quitté l’Union européenne, le Royaume-Uni sera en effet dans l’impossibilité de se prévaloir du mécanisme facilité de circulation des décisions de justice en vigueur au sein de l’espace judiciaire européen, ce qui pourrait inciter les acteurs du commerce international à délocaliser leurs contentieux.
La Chancellerie a alors confié au haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) la tâche d’imaginer en un temps record des formations de jugement susceptibles d’attirer en France ces contentieux commerciaux internationaux. Ces travaux ont conduit quelques mois plus tard à l’institution des chambres commerciales internationales par voie de protocoles, et à droit constant, afin d’éviter le temps long du processus législatif. Inspirés de la procédure de common law et exploitant à plein les potentialités de notre procédure civile, ces protocoles offrent aux parties à un litige du commerce international la possibilité d’utiliser l’anglais à l’écrit comme à l’oral, la faculté de mieux maîtriser le temps du procès par la conclusion d’une convention de procédure, et ambitionnent une meilleure administration de la preuve par l’élargissement du périmètre de la production forcée de documents, la comparution personnelle des parties, et l’audition de témoins et experts.
Deux ans après la signature de ces protocoles, la jurisprudence de la chambre internationale de la cour d’appel de Paris (CCIP-CA) rassure par sa qualité indéniable sur le fond (en matière de droit international privé, et de recours en annulation de sentence arbitrale internationale qui relèvent de sa compétence depuis le début de l’année 2019), comme sur la forme (via un effort manifeste de clarté et de pédagogie dans la rédaction de ses arrêts). Elle interroge, en revanche, quant à l’attractivité de cette chambre. Sur les 29 décisions rendues à ce jour par la CCIP-CA, les raffinements du protocole ne semblent en effet avoir été utilisés par les parties qu’à une seule occasion (pour l’audition du dirigeant de l’une des parties par la Cour). Cela s’explique cependant par le fait que sa saisine ne résultait pas dans ces affaires d’une clause lui attribuant compétence, qui aurait été stipulée par des parties désireuses de profiter de ses spécificités procédurales, mais des règles de compétence territoriale et matérielle à caractère objectif. Ce constat ne doit donc pas être perçu comme un échec, en ce qu’il résulte principalement du décalage temporel naturel entre la conclusion d’un contrat qui contiendrait une telle clause et l’éclosion d’un litige en découlant, outre que le Brexit n’est pas encore en vigueur.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck