Conférence on « Equal access to information & justice – Online Dispute Resolution », 12 & 13 juin 2017

Organisé par l’International Court of Arbitration

Extrait de l’article paru dans la Revue pratique de la prospective et de l’innovation (RPPI 2017, 1), par Mirèze Philippe, special counsel at the secretariat of the ICC International Court of Arbitration, Founding co-president of ArbitralWomen

CaptureLa technologie a révolutionné le monde au cours du dernier siècle, comme rien auparavant. Elle a facilité les communications et a donné accès à toute la planète à des millions d’informations, de nouvelles et de contacts. Les habitants du monde entier utilisent le world-wide-web pour leurs besoins quotidiens. Presque tout est disponible en ligne, sauf la justice ! Après près de 70 ans de progrès en matière de technologie et de télécommunications, il est grand temps que la justice publique et privée offre un accès équitable et facile à travers le monde.

Les plateformes de résolution de litiges en ligne proposent pléthore de processus pour divers types de différends. Elles offrent des fonctionnalités uniques pour gérer des millions de conflits et permettent d’augmenter considérablement l’accès à la justice devant toutes les juridictions. Il est essentiel que tous les acteurs de la société prennent conscience de ce potentiel et l’utilisent.

La résolution de litiges en ligne (ODR) est une solution clé pour l’accès à la justice. Les fournisseurs ODR ont essayé de suivre la voie du changement rapide, mais les tribunaux étatiques et les organismes de règlement des différends évoluent trop lentement, ce qui ne correspond pas à un monde en évolution rapide.

Le commerce et les services en ligne ont été des industries florissantes au cours des deux dernières décennies. Les fournisseurs ODR ont construit des plateformes basées sur leur propre expérience, offrant tous types de mécanismes pour résoudre des conflits civils et commerciaux. Pour illustrer les différentes possibilités, les exemples de Modria, e-Just, AnOliveBranch et HiiL seront présentés. Bien que ces initiatives restent limitées, elles peuvent être source d’inspiration pour offrir des services d’ODR. Les processus ODR supposent que tous les utilisateurs aient accès à une technologie, ce qui est réaliste aujourd’hui, même dans des endroits reculés.

À travers le monde, quelques tribunaux étatiques ont mis en place des programmes dédiés et certains d’entre eux fonctionnent exclusivement en ligne, comme les tribunaux de Singapour, ou principalement en ligne, comme certains tribunaux en Chine, aux Pays-Bas et en Colombie-Britannique. La Malaisie a lancé un cyber-court en septembre 2016, spécialisé dans la cybercriminalité. Enfin, un plan ambitieux pour la « Cour en ligne de Sa Majesté » est actuellement en cours d’implémentation au Royaume-Uni. Au 21e siècle, un système judiciaire en ligne est incontournable. Tout investissement effectué maintenant profitera aux utilisateurs, aux professionnels du droit et aux tribunaux à court et à long terme.

Quant aux institutions de règlement des différends, peu d’entre elles ont offert ou offrent encore à leurs utilisateurs un service de dépôt en ligne et d’administration des différends sur des plateformes dédiées. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a prouvé que le règlement des litiges des noms de domaine pouvait être réglé exclusivement et efficacement en ligne. La Cour internationale d’arbitrage de la CCI a offert des services en ligne sur sa plateforme, – ou NetCase un temps –, destinés à faciliter les communications entre les utilisateurs et le Secrétariat de la Cour dans un cadre convivial.

Certaines causes, dont la réticence à la technologie, empêchent les entreprises et les organisations de construire une plateforme dédiée. Cette réticence à la technologie peut être attribuée à une combinaison de facteurs dont l’expérience insuffisante dans ce domaine, et l’approche conservatrice des tribunaux étatiques, des organisations de règlement des différends et des cabinets d’avocats. Or, l’industrie juridique ne pourra continuer à se montrer efficace à long terme qu’en adaptant ses services aux besoins du marché et au 21e siècle. Donner accès à la justice par le biais de mécanismes en ligne permet de surmonter la difficulté que certaines personnes peuvent avoir pour accéder aux tribunaux et aux avocats, principalement pour des petits différends. Cette facilité est tout simplement équitable.

La mise en place d’une telle plateforme requiert : une expertise dans le domaine, d’être réaliste dans la conception d’un projet, et conscient de la nécessité de budgétiser le projet en prenant notamment en considération le coût pour la construction de la plateforme, son amélioration constante et son développement au moins pendant cinq ans après sa livraison.

L’expérience montre que les projets en ligne progressent rarement comme prévu. Utilisateurs et professionnels doivent comprendre que l’informatique est en mutation permanente. C’est à cette condition seulement qu’il sera possible d’envisager des projets réalistes. Une approche judicieuse consisterait à mettre en œuvre les améliorations progressivement.

La clé du succès pour des caractéristiques bien pensées et préparées est d’inclure tous les utilisateurs finaux d’une entreprise, dont l’expérience et les retours sont indispensables. L’expérience montre également que confier un projet web à des personnes inexpérimentées dans des programmes en ligne ou n’ayant pas assez d’expérience dans l’expertise requise pour construire des systèmes dédiés, au motif qu’un regard neuf serait utile, a souvent été un échec.

En outre, il est extrêmement difficile de trouver des fournisseurs de technologies prêts à investir du temps dans la compréhension d’un projet et à contribuer à la rédaction de spécifications adaptées aux besoins des clients et du projet.

Il est grand temps de construire et d’offrir des services de règlement des différends en ligne au 21e siècle permettant à toute personne privée d’accès aux tribunaux et à la justice ou se trouvant dans des endroits reculés, de chercher réparation. Étant donné que des options existent et qu’elles peuvent offrir l’accès à la justice, empêcher un tel accès est un déni de justice. Construire des plateformes est réalisable avec l’expertise, le bon sens et la détermination. Nous ne pouvons pas arrêter le progrès et l’innovation, alors pourquoi ne pas rejoindre le processus.