[Covid-19] et commande publique : 3 questions à… Laure Bédier

EXTRAIT DE LA REVUE CONTRATS ET MARCHÉS PUBLICS – N° 5 – MAI 2020

Entretien

Entretien avec Laure BÉDIER, directrice des affaires juridiques des ministères économiques et financiers réalisé par Gabriel ECKERT, professeur, directeur de Sciences Po Strasbourg et de la revue Contrats et Marchés publics

Quelles sont les conditions d’application des mesures d’adaptation du droit de la commande publique ? En particulier, comment faut-il entendre la condition de nécessité prévue à l’article 1er de l’ordonnance ?

La loi d’urgence du 23 mars 2020 a habilité le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnance afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et notamment pour aider et soutenir la trésorerie des entreprises dont l’activité est fortement impactée par les mesures de confinement.

Sur le fondement de ce texte, l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 prévoit une série de mesures permettant de répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises dans l’exécution de leur contrat mais aussi d’assurer la continuité de la satisfaction des besoins des personnes publiques.

Toutes ces mesures ne peuvent toutefois être mise en oeuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie et des mesures prises pour la limiter. Le caractère dérogatoire de ces mesures impose en effet qu’elles ne soient mises en oeuvre que dans les limites de ce qui est indispensable pour atteindre l’objectif poursuivi par le texte.

Ainsi, d’une part, les difficultés rencontrées par les entreprises ou par les acheteurs dans la passation ou dans l’exécution des contrats publics doivent être directement liées à l’épidémie. Il peut s’agir par exemple des arrêts de chantiers, de la fermeture d’établissements imposées par l’autorité administrative, du surcoût occasionné par la mise en place de mesures de protection des personnes, de la pénurie de fournitures ou de matériaux à cause des ruptures d’approvisionnement, de l’exercice par les salariés de leur droit de retrait, etc.

D’autre part, la réponse apportée doit être proportionnée à ces difficultés. Ainsi, les prolongations de délais de procédure ou d’exécution, l’exonération des pénalités, l’indemnisation des dépenses engagées ou des préjudices subis ne sauraient excéder les durées ou les montants strictement nécessaires pour faire face aux circonstances.

Quelles sont les principales mesures prises afin de garantir la continuité des activités publiques et la satisfaction des besoins des populations ?

Un des objectifs de l’ordonnance est de permettre aux acheteurs de pouvoir continuer à s’approvisionner malgré les difficultés que pourraient rencontrer les titulaires de marchés pour répondre aux commandes, notamment lorsqu’il s’agit de fournitures ou de matériels médicaux.

Le Code de la commande permet déjà de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence pour faire face à l’urgence impérieuse, mais les principales difficultés concernent les contrats en cours. Ainsi, l’ordonnance permet aux acheteurs recourir, en cas de défaillance du titulaire, à un contrat de substitution auprès d’un tiers nonobstant toute clause d’exclusivité et sans que leur responsabilité contractuelle puisse être engagée par le titulaire pour ce motif. De même, si un contrat, notamment un accord-cadre, arrive à échéance pendant l’état d’urgence sanitaire, il peut être prolongé afin de permettre au titulaire de poursuivre la prestation jusqu’à la fin de la crise et le temps qu’une nouvelle mise en concurrence puisse être organisée dans des conditions normales.

L’ordonnance contient également des dispositions pour les procédures en cours qui ne peuvent être menées à leur terme : les délais de réception des candidatures et des offres des entreprises peuvent être prolongés et les exigences du règlement de la consultation dont la mise en oeuvre est rendue impossible par le confinement, telles que les visites de site ou les négociations en présentiel, peuvent être modifiées. Il s’agit de tout mettre en oeuvre pour permettre aux acheteurs de poursuivre les consultations déjà lancées pour sélectionner leurs prestataires malgré les conditions difficiles que nous connaissons.

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AUTEUR(S) : Gabriel Eckert, Pierre Soler-Couteaux