EXTRAIT DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 1-2 – 8 JANVIER 2018 – © LEXISNEXIS SA
LA SEMAINE DE LA DOCTRINE L’ÉTUDE
HAUTES JURIDICTIONS
Etude rédigée par LOUIS BORÉ
Les deux fonctions des juridictions suprêmes
Les juridictions suprêmes doivent à la fois assurer le progrès du droit en tranchant les questions nouvelles et veiller à l’unité de celui-ci en censurant les décisions qui le méconnaissent. Ces deux fonctions soulèvent des difficultés qui leur sont propres ce qui justifie la mise en place de procédures spécifiques.
Louis Boré est président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
1. Le progrès du droit
1 – Quel est le rôle d’une Cour suprême ? On étudie cette question depuis fort longtemps et la poursuite de cette réflexion montre que la réponse n’est pas aisée. Qu’il me soit ici permis d’apporter ma contribution.
2 – Je pense qu’une Cour suprême a deux fonctions. Elle doit à la fois assurer le progrès du droit et veiller à son unité. Mais elle doit aussi statuer dans un délai raisonnable.
3 – Une Cour suprême doit assurer le progrès du droit en interprétant les normes nouvelles, en faisant évoluer sa jurisprudence et en veillant à la cohérence de celle-ci. Elle est ainsi, incontestablement, créatrice de normes.
4 – Nous savons tous, aujourd’hui, que le juge n’est pas seulement la bouche de la loi et qu’il a un rôle normatif. En effet, toute loi nouvelle, quelle que soit la qualité de sa rédaction, comporte toujours un part d’obscurité. Cette part est nécessaire et souhaitable car le législateur ne peut pas répondre lui-même à toutes les questions. Lorsqu’il cherche à le faire, cela aboutit à des textes obèses et difficilement lisibles qui sont souvent encore plus obscurs que les textes brefs. La mission des cours suprêmes est donc d’interpréter ces textes, d’en préciser le sens et de résoudre les problèmes que leur application fait apparaître. Cela ne signifie pas que les textes législatifs et réglementaires sont dépourvus de sens. Lorsqu’ils sont clairs, ils doivent être appliqués, et lorsqu’ils sont obscurs, être interprétés.
5 – Pour permettre au Conseil d’État et à la Cour de cassation de faire plus rapidement ce travail d’interprétation, le législateur a permis aux juges du fond de les saisir des « questions de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges » (CJA, art. L. 113-1 ; COJ, art. L. 441-1) . Les juges suprêmes rendront un simple avis sur cette question mais celui-ci est généralement suivi par les juges du fond. Certains auteurs ont prédit la disparition de la fonction de cassation au bénéfice de cette seule fonction consultative car elle est plus rapide. Je pense, pour ma part, que c’est le pouvoir de casser les décisions qui ne respecteraient pas l’avis donné qui assure l’autorité de celui-ci.
LA SEMAINE JURIDIQUE EDITION GENERALE
Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.
AUTEUR(S) :
N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck