EXTRAIT DE LA REVUE PRATIQUE DE LA PROSPECTIVE ET DE L’INNOVATION – N° 2 – OCTOBRE 2019
Matthieu BOURGEOIS, avocat associé, KGA Avocats
Marion MOINE, avocat, KGA Avocats
Internet des objets (IOT) : quand l’inerte s’anime
Désormais, les objets les plus courants ne se limitent plus à leur fonction primitive, que leur avait assignée les hommes en les fabricant : ils sont devenus « connectés », c’est-à-dire qu’ils collectent des données et, dans certains cas, utilisent cette information pour fonctionner (on pensera, par exemple, à des biens électroménagers comme des aspirateurs dits « autonomes » qui sont capables de se mouvoir en évitant les obstacles) ou, de plus en plus fréquemment, pour proposer un nouveau service (on pensera notamment à la montre connectée qui, outre donner l’heure, permet de mesurer l’activité physique et/ou physiologique pour proposer ensuite des parcours de remise en forme ou de coaching sportif). Ainsi, avec les objets connectés, apparaît le concept de « produit à double usage ». C’est une force (source d’innovation, d’efficacité, …), mais qui tient aussi sa part d’ombre (risque de surveillance clandestine et généralisée, source de vulnérabilité aux cyberattaques, …). Deux raisons pour que le droit s’en mêle : inciter la première, et protéger contre la seconde.

1 – Une révolution technologique. – « IOT » pour « Internet Of Things » (« Internet des objets »), l’expression est en passe d’être employée dans le langage courant, pour désigner un phénomène primordial pour la décennie 2010 : l’installation de capteurs sur des objets de plus en plus variés (véhicules, montres, lunettes, etc.) permettant à ces derniers de collecter des données relatives au comportement de leur(s) utilisateur(s) (type/fréquence d’usage) et/ou de leur environnement (par exemple, la température, le niveau sonore, l’état de la circulation, …), puis de les transmettre à un (des) opérateur(s) (le fabricant ou l’exploitant d’un réseau, …), puis à l’utilisateur, ce qui a pour effet de rendre « communiquant(s) » une multitude d’objets qui, jusque-là, étaient inertes et silencieux.
2 – IOT et intelligence artificielle. – Dans certains cas, les dispositifs qui équipent ces objets intègrent un algorithme d’apprentissage (s’apparentant, selon certains, à une forme d’intelligence artificielle), qui tend à les doter de capacités de généralisation (à partir d’exemples issus de jeux de données) et dont certains déduisent qu’il s’agirait d’objets « intelligents »…. Ainsi, d’objet, le bien tendrait à devenir sujet, à tel point que d’aucuns s’interrogent sur la pertinence de doter certains objets connectés, notamment certains robots, de la personnalité juridique. Sans aller jusque-là, nous constaterons simplement que tous ces objets, parce qu’ils sont munis de capteurs à partir desquels ils collectent des informations qu’ils transmettent ensuite via le réseau Internet, sont « connectés ». Ainsi, après avoir relié les hommes – qui désormais vivent un prolongement de leur vie dans l’univers artificiel d’Internet – c’est au tour des objets de faire irruption dans cette sphère, en devenant « communiquants » – c’est-à-dire « bavards » – au profit d’un véritable écosystème d’acteurs.
3 – Un bouleversement des modèles économiques. – Ce phénomène traduit une mutation profonde du modèle économique dans lequel, désormais, la donnée devient clé : captée par l’IOT, qui concourt à faire converger l’univers online (en ligne) et l’univers offline (physique), la donnée tend à conférer à ceux qui la détiennent un pouvoir de marché, notamment, en leur permettant de créer des modèles économiques « bifaces », c’est-à-dire, comprenant une face « amont » – traditionnelle – (offre d’un objet connecté, par exemple) et une face « aval » – innovante – correspondant à la réutilisation des données (captées grâce à l’objet connecté, parfois sans que l’utilisateur n’en ait une conscience très nette). Si l’IOT est porteur de grandes promesses (optimisation de l’usage des ressources, innovation et progrès matériel, …) il est aussi source de risques importants (trouble pour la quiétude et la sécurité des personnes ainsi que des organisations, mais également menace pour l’environnement en cas d’usage généralisé et immodéré d’objets connectés énergivores). Aussi, après avoir examiné les enjeux de l’IOT, nous verrons en quoi et comment le droit peut et doit en encadrer l’usage…