Droit des marques – (R)évolution(s) : le nouveau droit des marques

Droit des marques – (R)évolution(s) : le nouveau droit des marques 

Document: Propriété industrielle n° 4, Avril 2020, étude 7

Propriété industrielle n° 4, Avril 2020, étude 7

(R)évolution(s) : le nouveau droit des marques

Etude par 

 Olivier THRIERR  conseil en propriété industrielle – mandataire agréé auprès de l’EUIPOTmark Conseils, associéenseignant au CEIPI

et 

Stéphanie BUCHILLOT  conseil en propriété industrielle – mandataire agréé auprès de l’EUIPOTmark Conseils

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La réforme profonde du droit des marques issue de la transposition du « paquet marque » a été opérée par l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et son décret d’application. Ces textes modifient largement les dispositions du livre VII du Code de la propriété intellectuelle pour créer un nouveau droit des marques. La présente étude propose de dresser un premier état des lieux des principales mesures de la réforme. Elle envisage les perspectives qui se dessinent d’ores et déjà pour les utilisateurs des marques : nouveaux droits, limites, nouvelles procédures et nouvelles approches. Elle envisage des pistes de réflexion tenant aux conséquences de la notion de « suivi longitudinal » des marques sur des questions/notions aussi importantes que l’appréciation du caractère distinctif, l’usage, la renommée, forclusion par tolérance.

Introduction

1. – Origine et processus d’harmonisation « renforcée » . – L’harmonisation du droit des marques au sein de l’Union européenne trouve son origine dans la première directive d’harmonisation sur les marques du 21 décembre 1988Note 1 transposée dans le droit français par la loi du 4 janvier 1991Note 2. Cette première harmonisation portait sur le droit matériel des marques. En conséquence de l’évolution du droit (notamment de l’influence de la pratique et des règles de procédures relatives aux marques de l’Union européenne devant l’EUIPO et des décisions de la Cour de justice et du Tribunal) et de la poursuite d’un l’objectif d’une plus grande harmonisation voire interaction des droits nationaux des États membres avec celui de l’Union européenne, un ajustement encore plus poussé était souhaité. C’est dans le contexte de la transposition du « paquet marque »Note 3Note 4, qu’une nouvelle réforme d’ampleur du droit des marques, dont certaines mesures n’étaient du reste pas rendues obligatoires par la directive (UE) 2015/2436 (ci-après « directive »), vient d’être opérée et mérite d’être examinéeNote 5. Selon quel processus s’est opérée la transposition du « paquet marque » pour créer le nouveau droit des marques (version 2.0.2.0) ? La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – dite « Loi Pacte »Note 6 – autorisait le Gouvernement, en son article 201, à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires :

  • à la transposition de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 ainsi que celles nécessaires à l’adaptation de la législation nationale liées à cette transposition ;
  • pour assurer la compatibilité de la législation sur les marques avec le règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne.

L’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, publiée au Journal officiel le 14 novembre 2019Note 7, donne aux titulaires de droits et praticiens qui commençaient à s’impatienter le détail de cette transposition et des modifications profondes apportées au droit des marquesNote 8Note 9. Le décret n° 2019-1316 du 9 décembre 2019 pris en application de l’ordonnanceNote 10 complété d’un arrêté du même jour fixant le montant des redevances de procédure perçues par l’Institut national de la propriété industrielle (ci-dessous « INPI » ou « Institut »)Note 11 ainsi que deux décisions du directeur général de l’INPI n° 2019-157 et n° 2019-158 complètent et fixent dans le détail les modalités de la réforme.Les modifications contenues dans le « paquet marque » ainsi transposées par l’ordonnance et le décret d’application sont notamment destinées à harmoniser davantage le droit français avec celui de la marque de l’Union européenne et les législations des États membres (i), à moderniser les outils de protection en les adaptant à l’univers numérique (ii), à renforcer la sécurité juridique des utilisateurs et parties aux procédures (iii). Nous estimions il y maintenant trois ans que le « paquet marque » constituait une évolution importante du droit sans qu’il opère pour autant sa « révolution ». Ainsi, les principes fondamentaux de la première directive sur les marques 89/104/CEE du 21 décembre 1988 sont largement repris dans la directive.Toutefois et fort des enseignements/difficultés de la transposition de la première directive, on pouvait attendre voire craindre – beaucoup – de celle du paquet marque, par exemple de l’instauration des procédures administratives en nullité et en déchéance devant l’INPI envisagées par la directive comme des « procédures alternatives » ou encore de la notion de « droit d’intervention » contenue dans la directive mais dont les contours ne nous apparaissaient pas très netsNote 12. La transposition comporte, sans surprise, de nombreuses évolutions/adaptations qui s’inscrivent parfaitement dans l’esprit du « paquet marque ». D’autres aspects de la réforme, dont certains sont plus controversés appellent une attention rapide et toute particulière des titulaires de droits.