Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°27
LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES
CYCLE DROIT DES OBLIGATIONS
Quel droit des sociétés à l’aune de la réforme des contrats ?
Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des experts-comptables de justice
Si le Code civil a vécu 212 ans sans modification significative et si l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a consacré une codification à droit constant à 80 %, seulement 20 % sont réellement nouveaux et pèsent très lourds même si la majorité de ses dispositions sont d’ordre supplétif et non public. En effet, cette réforme vue au travers du prisme de certains nouveaux articles apporte plus d’interrogations que de réponses qui seront certainement tranchées par la jurisprudence, justement celle à qui on accorde un regard nouveau sur la relation contractuelle, ce qui lui était jusqu’alors refusé, le pacta sunt servanda (« les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ») primant tout le reste. Nous relevons aussi la disparition de la cause, l’objet ( C. civ., art.1163 ) étant lui maintenu, mais aussi l’émergence des clauses abusives ( C. civ., art. 1171 nouveau) dans les contrats d’adhésion. Qu’est-ce qu’un contrat d’adhésion ? Qu’est-ce qu’un déséquilibre significatif ? Autant de difficultés soulevées par le texte. Nous observons que dans les conditions de formation du contrat, l’obligation d’information ( C. civ., art. 1112-1 ) que les parties ne peuvent ni limiter ni exclure, est une condition d’ordre public qui se prescrit par cinq ans. Nous aurons l’occasion de voir émerger de nombreux conflits lors de cessions de bloc d’actions assorti de garantie d’actif et de passif dont les délais de prescription sont généralement plus courts. Nous notons que désormais, les avant-contrats sont sécurisés et que le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente pourra demander son exécution forcée ( C. civ., art. 1124 nouveau). Cela veut dire, qu’en matière d’obligation d’information, les entités devront en tenir compte dans les engagements hors bilan qu’elles délivrent. Par ailleurs, la violence économique est consacrée ( C. civ., art. 1142 ) mais l’intérêt de son action par rapport au contrôle des clauses abusives reste à mesurer, notamment dans les groupes de sociétés. Enfin, le nouvel article 1161 du Code civil qui est censé oeuvrer afin d’éviter les conflits d’intérêts va conduire au paradoxe de devoir autoriser les conventions libres entre représentant et représenté sous peine de nullité alors que les conventions réglementées y échappent du fait d’une réglementation spécifique prévue par le Code de commerce. Nous en terminerons avec l’article 1195 du Code civil qui développe la théorie de l’imprévision refusée auparavant autant par la doctrine que par la jurisprudence. La renégociation qui pourrait s’ensuivre va à l’encontre du principe même de la force obligatoire des conventions. C’est dans ce cadre que le juge pourra procéder à l’adaptation du contrat. Ce faisant, alors qu’un des objectifs de l’ordonnance était de réduire le recours au juge, ce dernier se retrouve au coeur de la réforme. Il est important de souligner que le droit des sociétés et des contrats constitue le socle sur lequel s’appuient les entités économiques pour asseoir leur développement et plus particulièrement leur stratégie. Ainsi, nous ne pouvons pas nier que l’impact des nouveaux articles issus de la réforme sur le droit des sociétés, même s’ils sont majoritairement d’ordre supplétif, conduisent à lui conférer une instabilité dont on peut espérer que dans le temps cette dernière s’inscrira dans un régime pseudo oscillatoire et non harmonique. Pour voir la conférence : http://dai.ly/x5rr33p.
L’Académie de législation regroupe avocats, magistrats, universitaires et d’autres juristes afin de contribuer au développement de la
science du droit. Elle s’est réunie pour la première fois en mai 1851 à l’instigation d’Osmin Benech, professeur de droit romain qui a également été président du conseil général du Tarn et Garonne et premier adjoint de la ville de Toulouse. Elle s’est placée en 1855 sous le patronage du juriconsulte Jacques Cujas, né en 1522 à Toulouse. Elle a été reconnue d’utilité publique en 1871. Depuis sa création, l’Académie tient, chaque année, sept séances privées, auxquelles n’assistent que ses seuls membres, et une séance publique. Site de l’Académie de législation : www.academie-legislation.fr. Likez la page de l’Académie de législation sur Facebook
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N°27 – 3 JUILLET 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck