EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION ADMINISTRATIONS ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES N° 17. 27 AVRIL 2020
Droits de l’environnement et de l’urbanisme au temps du Covid-19
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 a autorisé le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnances pour répondre à la situation de ralentissement ou de suspension des activités du fait du confinement. De nombreuses dispositions intéressent le droit de l’environnement ou de l’urbanisme, à des titres divers, selon un jeu complexe de temporalités, afin de gérer les délais pendants et les délais à venir des différentes procédures organisées dans le cadre de ces deux matières. Il s’agit ainsi d’adapter, selon un schéma chronologique, les délais d’instruction des autorisations et mesures qu’elles imposent, en ce compris les différents avis requis, les procédures d’enquête publique et de participation du public (concertation…), les délais de validité des décisions, le contrôle de leur mise en oeuvre ainsi que les délais contentieux. Des dispositions particulières ont cependant dû être édictées, dès lors que le cadre général ainsi mis en place n’était pas nécessairement adapté aux particularités de certains régimes, ni aux attentes des professionnels, ce qui est le cas pour le droit de l’urbanisme (instruction des demandes, recours et droits de préemption), et pour toute une série de dispositions pour lesquelles les délais retenus constituent des dérogations à ce régime dérogatoire au droit commun. Diverses dispositions aménagent également certaines compétences et procédures (pouvoir de dérogation du préfet, implantation des antennes-relais, distance d’épandage de produits phytosanitaires), qui font craindre pour la protection de l’environnement et mettent entre parenthèses la participation du public, sauf à ce qu’elle–ci ne reste que symbolique.

Ord. n° 2020-305, 25 mars 2020 : JO 26 mars 2020
Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020 : JO 26 mars 2020
Ord. n° 2020-320, 25 mars 2020 : JO 26 mars 2020
Ord. n° 2020-427, 15 avr. 2020 : JO 16 avr. 2020
Ord. n° 2020-460, 22 avr. 2020 : JO 23 avr. 2020
D. n° 2020-383, 1er avr. 2020 : JO 2 avr. 2020
D. n° 2020-412, 8 avr. 2020 : JO 9 avr. 2020
D. n° 2020-450, 20 avr. 2020 : JO 21 avr. 2020
D. n° 2020-453, 21 avr. 2020 : JO 22 avr. 2020
NOTE
1- Contexte. Dire que la nature reprend ses droits lorsque l’homme perd l’essentiel des siens (restrictions apportées à la liberté d’aller et de venir et à la liberté du commerce et de l’industrie, obligation de domicile…) est une vue de l’esprit. S’il est vrai que l’environnement ne s’est finalement jamais mieux porté que depuis que plus de la moitié de l’humanité a été contrainte au confinement pendant plusieurs semaines (baisse inédite du niveau de pollution atmosphérique du fait de l’arrêt ou du fonctionnement au ralenti des industries émettrices de polluants et de la circulation automobile ; diminution de la pollution des eaux et recolonisation provisoire par certaines espèces…), il faut craindre les effets du déconfinement, dès lors que l’histoire de l’économie nous enseigne que les sorties de crises se sont toujours accompagnées d’une tentation de rattrapage, ruinant les effets environnementaux du ralentissement des activités humaines.
Qu’en est-il cependant de la gestion de la période interstitielle, celle placée entre l’avant et l’après, qui doit tenir compte de ce qui a été entamé sous le régime juridique donné d’un temps « ordinaire » et qui se poursuit – ou s’interrompt – sous la contrainte un temps plus ou moins long dans l’attente du temps d’après. Période de l’incertain, il est à craindre qu’elle donne lieu à certaines dérives sous le prétexte de la gestion d’un temps d’exception où il faut réduire les contraintes dans certains domaines, pour faciliter certaines opérations, qu’elles soient ou non essentielles à la période.
Le droit de l’environnement comme le droit de l’urbanisme n’échappent pas à la règle, qui sont plus souvent regardés comme des contraintes que comme une « boite à outils » et subissent des modifications qui affaiblissent les garanties dont ils étaient porteurs. Certes, il n’aura pas fallu attendre cette période « spéciale » pour que des mesures particulières viennent affecter des « institutions » du droit de l’environnement, comme l’enquête publique, pour laquelle le décret n° 2018-1217 du 24 décembre 2018 pris en application des articles 56 et 57 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (dite « Loi Essoc ») (JO 26 déc.
2018) précise les objectifs et les modalités de l’expérimentation d’un droit à déroger à l’enquête publique prévue par cette loi (L. n° 2018-727, 10 août 2018 : JO 11 août 2018) dans les régions Bretagne et Hauts-de-France (simple participation du public par voie électronique en lieu et place de l’enquête publique,dès lors qu’une concertation préalable avec garant a été menée avant le dépôt d’une demande d’autorisation environnementale) (v. Note technique, 21 févr. 2019 relative au D. n° 2018-1217, 24 déc. 2018).

La Semaine Juridique – Administrations et collectivités territoriales
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AUTEUR(S) : Hélène Pauliat, Didier Jean-Pierre, Florian Linditch, Philippe Billet et Michaël Karpenschif.