[Edito] Après le confinement ?

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 19 – 11 MAI 2020

EDITO

Après le confinement ?

François Molins

Dans les circonstances exceptionnelles d’état d’urgence sanitaire que nous connaissons, le service public de la justice s’est adapté mais ne s’est jamais arrêté, et je voudrais rendre hommage aux magistrats et fonctionnaires des cours et tribunaux, ainsi qu’aux avocats, dont le dévouement a permis de continuer à assurer les missions essentielles de la justice.

L’état d’urgence sanitaire a entraîné l’adoption de nombreuses mesures attentatoires aux libertés, en raison de la crise sanitaire exceptionnelle que nous vivons et de la nécessité de protéger la santé en limitant la propagation du virus. Un régime d’exception n’est toutefois acceptable que s’il est temporaire et qu’il n’impose que des mesures strictement nécessaires et proportionnées, l’objectif devant être bien évidemment le retour le plus rapide possible à une situation permettant le rétablissement des procédures de droit commun.

Dans ce cadre, le juge judiciaire, et particulièrement la Cour de cassation et son parquet général, exercent leur office à l’occasion de l’examen des questions prioritaires de constitutionnalité et des pourvois dont ils sont saisis, relatifs notamment au délit de violation répétée des règles du confinement et au régime des prolongations de détention provisoire institué par l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale. Ils exercent leur office à travers le contrôle de légalité des textes attaqués, au regard notamment du respect des principes fondamentaux d’égalité devant la loi et de proportionnalité.

La fi n du confinement, qui débute aujourd’hui, 11 mai 2020, signifie la reprise progressive de l’activité dans chaque juridiction. Dans ce contexte, il est essentiel de donner du sens à notre action collective et d’y instiller de l’intelligence et de l’ambition afin de permettre l’exercice optimal des missions de la justice. L’état d’urgence a rendu en effet plus que jamais essentiel le besoin de régulation sociale et indispensable le rôle du juge en sa qualité de gardien de la liberté individuelle. Il y a donc un intérêt majeur à retrouver le plus vite possible toute notre capacité à juger les affaires restées en suspens.

Cela impose que nous retrouvions le sens de la concorde, particulièrement absente ces dernières semaines au vu des nombreuses polémiques qui ont agité le monde de la justice.

Cela impose l’aboutissement rapide des réformes de fond et particulièrement du statut du parquet indispensable à l’équilibre de notre procédure pénale, et dont l’adoption honorerait nos responsables politiques. Cela impose l’adoption de mesures structurelles pour préserver la profession d’avocat et trouver pour celle-ci un modèle économique durable, viable et permettant d’assurer l’exercice digne et efficace d’une défense de qualité dans notre pays.

Cela impose aussi de donner davantage de moyens à la justice dont l’état d’urgence sanitaire a souligné de nouveau à quel point ils étaient insuffisants.

Cela impose enfin que nous nous rassemblions, magistrats, fonctionnaires de justice et avocats, autour des valeurs que nous partageons, celles d’indépendance, de probité, de protection du secret professionnel et du respect dû ensemble à l’institution judiciaire, qui constitue notre bien commun.

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