[EDITO] De la démocratie en Amérique – Wanda Mastor – 16 novembre 2020

EXTRAIT DE LA REVUE A SEMAINE DU DROIT – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 47 – 16 NOVEMBRE 2020

De la démocratie en Amérique – Wanda Mastor

Comment expliquer la fascination du peuple français pour les dernières élections présidentielles américaines ? Nos médias ont choisi de se concentrer largement sur un pays qui, il faut bien l’avouer, se tourne très peu, voire pas du tout vers le nôtre. Mais en matière de connaissance, il faut faire fi de la condition de réciprocité ces élections sont passionnantes à juste titre pour plusieurs raisons. Le berceau des Mark Zuckerberg et autres génies de la modernité a montré au monde entier l’archaïsme des conditions de vote dans certains Etats. Des files interminables, des bulletins de vote recueillis par des boîtes aux allures de distributeurs de journaux, l’absence d’obligation de preuve de l’identité des votants ou de la date de l’envoi des votes par correspondance pour ne citer qu’eux. L’observateur étranger découvre, non sans stupéfaction, que l’une des plus grandes démocraties au monde élit de manière indirecte son président, aux pouvoirs considérables, dans des conditions pour le moins « primitives ».

Il a compris, depuis les élections de 2016, qu’un candidat ayant moins de votes populaires au niveau national pouvait être le vainqueur. Que le même jour, les électeurs américains désignaient aussi des membres de la Chambre des représentants, du Sénat, et dans certains États, leurs Gouverneurs, sheriffs juges, tout en répondant à plusieurs référendums. Il a également saisi l’enjeu pour les candidats d’arriver en tête en Californie (dotée de 55 grands électeurs), plutôt que dans les États qui n’en comptent que 3. Il a enfin réalisé, depuis 2000, que 9 juges pouvaient décider de l’issue du scrutin. Que faut-il retenir de cette complexité à première vue peu compatible avec le We, the People,qui ouvre la Constitution américaine ?Il faut tout d’abord rappeler que la démocratie américaine est une République, qui, à l’instar de sa définition antique, accorde historiquement sa confiance à des électeurs « éclairés ».

Le fait que le suffrage soit universel mais pas direct ne signifie pas un déficit démocratique et le mandat des grands électeurs est par ailleurs impératif. Il faut ensuite se souvenir, avant toute possibilité d’analyse, que la forme des États-Unis est fédérale. Ce n’est pas qu’un détail connu de tous ; c’est le prisme à travers duquel l’histoire des États-Unis peut se raconter. Même quand les juges doivent se prononcer sur des sujets aussi substantiels que la peine de mort ou l’avortement, la toile de fond est toujours la même : la conciliation entre le respect du droit de l’Union et de la compétence des États fédérés.

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