EXTRAIT DE LA REVUE A SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 11 – 18 MARS 2019
EDITO
Des cheveux blancs dans le prétoire
Pascale Robert-Diard

Lundi 11 mars, à l’ouverture du procès qui porte son nom, Bernard Tapie est apparu tel qu’on le connaît désormais : visage émacié, corps aminci, cheveux neige. Tant d’images de lui se superposent depuis plus de trente ans que cet homme occupe la vie publique ! Son regard sombre a longtemps été assorti à une toison noir jais, qui, pour échapper à la grisaille de l’âge, s’est peu à peu colorée de reflets épousant toutes les nuances du brun au roux, en passant par le fauve et l’ambré. Ces mêmes yeux couleur café serré ont fixé les caméras et les objectifs des photographes sous un crâne pelé, qui exposait son cancer autant qu’il le défi ait. Et le voilà, à 76 ans, dans un prétoire pour quatre semaines durant lesquelles il doit répondre, aux côtés de cinq autres prévenus, d’escroquerie et de détournements de fonds publics. Au coeur des poursuites, figure l’arbitrage qui, en 2008, lui a accordé 402 millions d’euros au titre de préjudice matériel et moral qu’il aurait subi de la part du Crédit Lyonnais lors de la revente d’Adidas en 1993 – la cour d’appel de Paris l’a d’ores et déjà condamné en 2015 à rembourser l’intégralité de cette somme.
Parmi toutes les professions qu’il a exercées, chanteur, homme d’affaires, propriétaire de club de foot, animateur d’émissions télévisées, député, ministre, acteur, Bernard Tapie a décliné cette dernière lorsque les juges Serge Tournaire et Claire Thépot ont ouvert leur instruction. C’est donc sous cette fonction qu’il a été présenté par la présidente du tribunal correctionnel de Paris. Les deux premiers jours d’audience lui ont déjà permis d’exposer toute la palette de son jeu. On l’a vu raillant dès son entrée « la belle brochette » de journalistes venus assister au débat, accablant un chroniqueur de télévision auquel il reprochait une présentation partiale de son affaire, interrompant la présidente pendant son exposé du dossier – « Tout ça, c’est de la fable ! » – multipliant les anecdotes pour susciter les sourires de la salle, s’excusant d’une défaillance sur un nom – « Il y a des traitements qui font perdre les cheveux et la mémoire. Les cheveux ont repoussé, pas la mémoire » – ou n’hésitant pas à demander au procureur de lui prêter ses lunettes pour lire un document sur lequel il était interrogé. La justice dira si le fond est vicié, la forme est impressionnante de combativité.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck