[Edito] Fake news et vérité

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 50 – 10 DÉCEMBRE 2018

Edito 

Fake news et vérité

Nicolas Molfessis

EDITOAlors que le Parlement se divisait sur la manière de lutter contre la désinformation, on apprenait dans quelque gazette la mort de Robert Faurisson. Étrange concomitance. D’un côté, une interrogation sur la vocation de la loi à lutter contre la manipulation des esprits et des opinions : comment interdire les « fake news » sans succomber au piège liberticide tendu par les spécialistes de la manipulation ? Avec, à l’arrivée, un texte superficiel, dépourvu d’étude d’impact, qui se contente pour l’essentiel d’instaurer une nouvelle procédure de référé en période électorale. De l’autre, le rappel des thèses d’un négationniste qui n’a jamais hésité à instrumentaliser le droit pour gagner en notoriété. On connaît le débat : fallait-il le condamner pour ses thèses révisionnistes ou pour la démarche, antiscientifique, qui les sous-tendait ? Ses juges ont choisi de ne pas dire l’Histoire. Aussi, le tribunal de grande instance de Paris (8 juill. 1981) devait-il le sanctionner pour avoir manqué aux « obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle » qui s’imposent à toute personne qui rapporte des faits  historiques (et dans un appel qu’il exploita longuement, CA Paris, 26 avr. 1983). Certes, le même TGI jugera plus récemment ( 6 juin 2017 ) qu’écrire dans un journal que M. Faurisson est « un menteur professionnel », un « falsificateur » et « un faussaire de l’histoire » est conforme à la vérité. Mais, prenant appui sur ses nombreuses condamnations, il devait une fois de plus revenir à la méthode : « Toutes ces décisions n’ont de cesse que de stigmatiser, en des termes particulièrement clairs, les manquements et les abus caractérisant ses méthodes ». On n’ignore pas que les tribunaux doivent se garder de consacrer une histoire officielle. Mais cette manière de mettre à distance la vérité pour se concentrer sur la démarche suivie peut elle être toujours de saison ?

 

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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