Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°10
ÉDITO
Denis Mazeaud
« La commission plaide (…) pour que l’examen d’accès aux CRFPA soit de plus en plus l’affaire des avocats et de moins en moins celle de l’Université »
Une commission composée d’avocats vient de rendre un rapport sur « L’avenir de la profession d’avocat », qui intéressera au plus haut point les étudiants en droit qui rêvent d’embrasser cette profession (V. sur le rapport Haeri : JCP G 2017, act. 196, Aperçu rapide F. G’sell ).
Dans son volet consacré à l’information des futurs avocats et à leur entrée dans la carrière sont émises de nombreuses propositions. D’une part, le rapport propose, pour que le rêve ne vire pas au cauchemar, que la profession puisse informer le plus tôt possible les étudiants des réalités de l’exercice du métier d’avocat. Il est certain que les universités accueilleront volontiers les avocats dans cette perspective, mais il ne sera sans doute pas facile de décourager des vocations, même précoces. Ensuite, le rapport revient sur l’examen d’accès aux CRFPA, qui a été l’objet d’une récente réforme. Il ne faut pas être devin pour comprendre qu’au nom de l’égalité des chances, la commission plaide, implicitement au-moins, pour que l’examen en question soit de plus en plus l’affaire des avocats et de moins en moins celle de l’Université. Si on éprouvait encore quelques doutes sur ce point, Me Wickers l’a levé récemment : « La rédaction du texte (de la réforme) permettrait même d’en transférer la responsabilité à la profession (…) » ( D. 2017, p. 344 ). Ainsi, le rapport déplore que la présence des avocats dans les jurys d’examen soit « protocolaire » ! Présidant depuis des années des jurys de Grands Oraux, je n’ai jamais eu le sentiment que ni l’avocat, ni le magistrat, qui composent le jury jouent un rôle de fi gurant. Bien au contraire, les discussions sont souvent animées et les notes ne sont attribuées qu’au terme d’un débat contradictoire. Par ailleurs, le rapport considère qu’il convient d’équilibrer d’avantage les jurys d’examen du CRFPA en assurant une présidence égalitaire entre les avocats et les professeurs de droit. Une fois de plus, avec cette proposition, transparaît une défiance très nette à l’égard de l’Université et on éprouve quelques difficultés à comprendre l’intérêt de cette mesure, sauf à comprendre que l’examen d’accès aux CRFPA aurait tout à gagner à ne plus être un examen universitaire… D’où la question : en quoi avons nous démérité ?
On retiendra aussi que le rapport regrette que les notes du Grand Oral peuvent être compensées par les matières fondamentales présentées lors de l’épreuve d’admissibilité et propose donc de fixer une note éliminatoire de 7/20 pour l’épreuve du Grand Oral. Que cette dernière épreuve soit importante, notamment au regard de son programme, soit ! Mais on éprouve quelques peines à comprendre pourquoi elle l’est davantage que les épreuves d’admissibilité, dont il suffit d’examiner la liste pour se convaincre du contraire. Aussi, mettre en place une sélection, puisqu’il faut bien appeler les choses par leur nom, sur cette seule épreuve paraît pour le moins arbitraire. On aurait bien aimé, pour finir, mettre un peu de baume au coeur de l’Université, mais c’est au contraire un véritable missile que vient de lui lancer le garde des Sceaux dans un discours prononcé devant un parterre d’avocats. Je cite, la formation de l’avocat « ne doit pas être redondante avec celle qu’il a reçue à l’université.
Elle doit la compléter. L’universitaire que je suis, sait que ce que l’on n’acquiert pas à l’université est précisément ce qui est de plus précieux dans la vie professionnelle : l’esprit juridique » ( Journ. sp Sociétés 15 févr.2017, p. 10 ). Mais sur les bancs de quelle Fac, notre Garde a-t-il usé ses fonds de culotte ???
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE N°10 – 6 MARS 2017
La Semaine Juridique – Édition Générale
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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck