[Edito] R comme Récidive

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 9 – 2 MARS 2020

R comme Récidive

Pascale Robert-Diard

À compter du lundi 2 mars, Pierre Botton va comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour abus de confiance, escroquerie, abus de pouvoirs, faux et usage de faux et blanchiment de fraude fiscale. Le même Pierre Botton a été condamné en 1996 à cinq ans d’emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, pour abus de bien social, abus de confiance, faux et fraude fiscale. Entre ces deux dates, Pierre Botton toujours, a créé une association Ensemble contre la récidive. Dans un entretien accordé à Paris-Match en 2015, il confiait : « Six cent deux jours de prison et sept maisons d’arrêt m’ont permis de trouver un sens à ma vie. Jusque-là, je n’avais qu’une valeur, l’argent ! J’étais en train de me perdre ». Pendant des années, l’ex gendre de Michel Noir, ancien maire de Lyon et ancien ministre, a fait le siège des ministres de la Justice, pour améliorer la condition des détenus et a mobilisé son carnet d’adresses pour faire financer par les plus grandes entreprises – AXA, EDF, Lafarge, Spie, Safran, Vinci – des études et des programmes permettant de fournir une formation dédiée aux primo-délinquants condamnés à des peines de moins de cinq ans, hors crimes de sang et sexuels.

Une enquête préliminaire du parquet, partie d’un signalement TRACFIN, lui reproche aujourd’hui d’avoir détourné à son profit personnel, « 54 à 61 % » des subventions reçues par l’association de soutien aux prisonniers.

Un homme, des vies. Pierre Botton plaide non coupable, attendons l’audience pour comprendre, mesurer, ou écarter cette vertigineuse mise en abyme. Les débats seront assurément arides, qui devront examiner les mouvements de fonds entre toute une cascade de sociétés. Arrêtons-nous un instant sur leurs noms. Parmi celles qui ont retenu l’attention des enquêteurs, figure une société baptisée « Papi », détenue par Pierre Botton et ses deux filles, par laquelle aurait transité une large part des détournements dont il est accusé, à son profit et à celui de ses proches.

Me revient en mémoire un des plus grands procès auquel j’ai assisté, celui de l’affaire Elf, au début des années 2000. L’instruction avait mis à jour une descendance nombreuse, fruit de l’adultère entre les principaux prévenus et l’argent de la compagnie pétrolière. Des comptes, des holdings, enregistrés en Suisse, au Lichtentstein ou à Panama, dont ils niaient pour la plupart la paternité. Mais le président Michel Desplan s’était beaucoup amusé, et le public avec lui, de certaines de leurs appellations. « Colette, c’est bien le nom de votre épouse ? » avait-il demandé à l’ex numéro 2 d’Elf, André Tarallo. « Seccotine, c’est bien le nom de votre chatte ? » s’était-il enquis auprès d’un autre. Alfred Sirven, le plus fascinant des personnages de cette galerie, avait reconnu pour sa part qu’il était bien le titulaire des comptes Langouste, un mets qu’il appréciait particulièrement, et 007. Il avait même corrigé le président Desplan quand il avait évoqué devant lui le compte « Prome ». « Il faut prononcer Promé. Un diminutif de Prométhée, car c’est un mythe que j’aime bien. Ce nom là, je l’avais choisi dans un élan de romantisme » avait souri l’ancien directeur des affaires spéciales d’Elf. Même dans les affaires financières les plus complexes, la vie finit par s’inviter au détour d’un nom de compte ou de société.

LA SEMAINE JURIDIQUE ÉDITION GÉNÉRALE

Le magazine scientifique du droit.

Votre revue sur tablette et smartphone inclus dans votre abonnement.

AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck