Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°24
LA SEMAINE DE LA DOCTRINE LA VIE DES IDÉES
Tous les dix à vingt ans, depuis près de 200 ans, se succèdent les projets de réforme de l’organisation judiciaire des cours d’appel avec le souci de réaliser des économies budgétaires mais aussi le désir d’une meilleure justice avec la concentration des moyens. Dans un premier temps les différents projets prévoient la suppression de certaines cours d’appel puis, suite aux oppositions, la disparition des cours est écartée et ne subsiste dans les débats que la suppression des tribunaux ou la réduction du
nombre des juges.
Lors de la dernière réforme de la carte judiciaire en 2008 a été abandonnée la réforme de la carte des cours d’appel. Depuis la fin du XIX e siècle les hommes politiques et les professions juridiques et judiciaires s’accordent sur la nécessité d’une réforme mais aussi sur le rejet de celles qui sont envisagées dès lors qu’elles touchent à leur juridiction locale.
Pourquoi cette résistance ?
– au XIXe siècle la concentration des cours d’appel a été confondue avec la restauration des anciens Parlements et on loue la justice de proximité et la nécessité de faciliter l’accès à la justice
– à la fin du XIXe siècle on défend le service public avec un droit d’accès égal à chaque citoyen pour les services de l’État et avec l’organisation judiciaire actuelle la justice est à la portée de tous,
– par la suite les acteurs locaux insistent sur la décentralisation,
– le budget de l’État ne retirerait aucun bénéfice de la suppression des cours d’appel,
– la disparation de la cour d’appel entraînerait une perte financière considérable pour des villes moyennes car la cour d’appel est source de grand prestige,
– il est absurde de calquer les ressorts des cours d’appel sur ceux des régions administratives en l’absence de logique rationnelle pour la délimitation des régions.
Le constat d’immobilisme de la carte judiciaire ne doit pas masquer les profondes évolutions que connaît l’organisation de la justice avec la spécialisation de certaines juridictions pour des contentieux civils ou pénaux.
Qu’en est-il de la dernière réforme importante concernant les régions ? Pour le ministère de la Justice, les ressorts des réseaux déconcentrés de la protection judiciaire de la jeunesse et des services pénitentiaires s’adapteront aux nouvelles organisations régionales. En revanche les ressorts des cours d’appel et les ressorts des cours administratives d’appel ne semblent pas concernés par la réforme.
Lorsqu’on s’intéresse aux services judiciaires, on évoque les conséquences de l’indépendance de l’institution judiciaire. Les responsables d’une cour d’appel considèrent que la justice n’est pas une administration comme les autres, ni un service public ordinaire. Les chefs de Cour doivent conserver la maîtrise des moyens de leur ressort en qualité d’ordonnateurs secondaires car le lien avec l’activité juridictionnelle est essentiel pour sauvegarder l’indépendance de l’institution judiciaire.
Il me semble que le système actuel ne devrait pas être maintenu et on peut envisager une réforme des cours d’appel conforme à la réforme régionale de 2015 tout en maintenant l’indépendance juridictionnelle et l’indépendance de la justice :
– disjoindre la notion de traitement des contentieux juridictionnels de la gestion administrative et financière ; on pourrait répartir les 13 départements de la nouvelle région Languedoc Roussillon
-Midi-Pyrénées entre trois sites juridictionnels à savoir Nîmes, Montpellier et Toulouse puisque depuis 200 ans les acteurs souhaitent le maintien des sites juridictionnels.
La répartition se ferait en fonction des contentieux, des bassins de population, de la démographie, de l’économie et de l’histoire,
– limiter le nombre des ordonnateurs secondaires, éviter les distorsions sur les politiques d’achat et permettre un meilleur suivi budgétaire et comptable (le directeur régional des finances publiques et le contrôleur budgétaire régional étant à Toulouse),
– établir une véritable politique budgétaire administrative et financière au sein de la grande région judiciaire pour favoriser la mise en place des politiques publiques avec les autres ministères et les collectivités locales.
Il est permis d’espérer une évolution au cours des prochaines années. (V. la conférence : http://dai.ly/x4d032m) www.academie-legislation.fr – Rejoignez l’Académie de législation sur Facebook.
LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 24 – 13 JUIN 2016