LA SEMAINE DU PRATICIEN EN QUESTIONS
TRIBUNAUX JUDICIAIRES
Le quotidien d’un juge confronté à l’état d’urgence sanitaire
Un métier transformé
N’en déplaise à une certaine presse nationale relayant les virulents propos d’avocats mal informés, les fonctionnaires et magistrats des tribunaux judiciaires continuent de travailler durant l’état d’urgence sanitaire. En vertu du Code de la défense et de la décision de la garde des Sceaux du 15 mars, les chefs de juridiction organisent, dans le cadre de Plans de Continuation d’Activité (PCA), le fonctionnement de la justice, qui varie d’une juridiction à l’autre. Les ordonnances n° 2020-303 et n° 2020-304 du 25 mars 2020 adaptent les règles des procédures civile et pénale pour poursuivre les jugements des affaires civiles comme pénales. Une justice perturbée certes, mais une justice qui s’adapte.
Laurent Sebag, vice-président du tribunal judiciaire de Toulon, co-directeur de la préparation au concours d’entrée à l’ENM près l’uni versité de Toulon

L’activité des tribunaux judiciaires est-elle en berne à la suite de leur fermeture au public ?
Absolument pas. Tous les tribunaux judiciaires fonctionnent malgré la fermeture au public pour éviter la propagation virale. Appliquant à la lettre l’article L. 1142-7 du Code de la défense, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a pris la décision le 15 mars dernier, de permettre aux chefs de juridiction d’élaborer, au vu de la situation de leurs effectifs, des plans de continuation d’activité (PCA). Par deux ordonnances du 25 mars 2020 ( n° 2020-303, n° 2020-304 ), elle a mis en oeuvre des procédures civile et pénale d’exception pour poursuivre le jugement des affaires urgentes, ayant pris le soin d’adapter les délais rythmant la vie judiciaire. Les contentieux essentiels visés par la ministre concernent en matière pénale : les comparutions immédiates, les mesures de sûreté des prévenus des audiences correctionnelles, les présentations devant les juges d’instruction et les JLD, les audiences urgentes des tribunaux pour enfants et des juges d’application des peines (JAP), sans compter les permanences des parquets. En matière civile, sont considérés essentiels : les référés, les mesures urgentes aux affaires familiales (éviction des conjoints violents), la protection des personnes vulnérables, les audiences JLD en matière psychiatrique et de rétention des étrangers, ainsi que l’assistance éducative. Les cours d’appel en font de même. Quelques PCA à l’initiative de certains chefs de juridiction excèdent même ces contentieux urgents, autorisant le jugement des affaires courantes. Il est vrai que, dans ce contexte perturbé, le travail à distance des magistrats et fonctionnaires n’est pas facilité par l’inadaptation des progiciels et la mise à disposition non généralisée de matériels portables aux magistrats ; celle des greffiers n’étant même pas prévue. Le présentiel des magistrats est donc effectif dans les juridictions.
Il est à craindre que ceux qui ont dénoncé un abandon du navire judiciaire par ses magistrats n’aient pas eux-mêmes quitté les plateaux TV pour s’y rendre et s’en assurer ! Fort heureusement, ils ne représentent pas leur corps dans son ensemble.

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck