EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION SOCIALE N° 10. 8 MARS 2019
Les femmes et le travail : le point de vue de l’ANDRH
ENTRETIEN AVEC : Bénédicte Le Deley, secrétaire générale de l’ANDRH

La Semaine juridique – Social : L’ANDRH a organisé le 28 janvier dernier un colloque sur la lutte contre le harcèlement sexuel et le sexisme au travail à l’occasion duquel a été diffusé un livre blanc « Prévenir le harcèlement sexuel en entreprise – Repères pour les RH ». Pourquoi ce guide ?
Bénédicte Le Deley : Au moment du scandale #MeToo et de l’affaire « Weinstein » dans laquelle se posait le problème des conditions de travail des acteures, cela a été l’occasion pour les entreprises, adhérentes à l’ANDRH, d’une prise de conscience collective de se dire à la fois « on peut certainement faire mieux » et en même temps « c’est l’occasion d’agir compte tenu du contexte ».
Ce guide est le fruit d’un travail collectif du groupe ad hoc réuni par l’ANDRH comprenant 37 adhérents venus de 26 groupes locaux. Il a permis :
– de mettre à disposition des repères clairs sur l’état du droit actuel sur la lutte contre le harcèlement sexuel et le sexisme au travail notamment sur les évolutions législatives récentes ;
– d’identifier les pratiques et notamment les bonnes pratiques, toutes structures d’entreprises confondues (grands groupes, PME, TPE, publiques, privées) et tout secteur ;
– de soulever les principaux points de difficultés.
SJS :Quelles sont donc les principales difficultés rencontrées par les DRH ?
B.L.D : La première difficulté est de répondre aux exigences du droit. Quelle que soit la taille de l’entreprise, l’employeur a une obligation de prévention et de sécurité. Il est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir le harcèlement sexuel. La RH doit en premier lieu mettre en place des actions d’information et de communication comme le lui impose la loi (affichage obligatoire des textes officiels dans les lieux de travail, intégration dans le règlement intérieur)mais également de sensibilisation pour l’ensemble des acteurs de l’entreprise. Rappelons que la Cour de cassation considère qu’un fait unique peut suffire à caractériser un harcèlement sexuel (Cass. soc., 17 mai 2017, n° 15-19.300) et dès les premiers gestes et propos déplacés, la victime peut demander la protection de l’employeur. La notion même de sexisme qui fait le lit du harcèlement n’est pas forcément intégrée dans les mentalités. La distinction entre blague lourde, séduction et comportement sexiste voire de harcèlement n’est pas toujours évidente. En tout état de cause, l’objectif est que le sujet du harcèlement et du sexisme au travail ne soit pas uniquement traité par des femmes, par les RH mais qu’il soit un sujet d’entreprise et qu’il rassemble l’ensemble des acteurs de l’entreprise (IRP, médecins du travail…). Plus spécifiquement, sur le sexisme au travail, la prise de conscience est encore timide aujourd’hui dans le monde de l’entreprise sauf dans les entreprises internationales, notamment les firmes américaines. Actuellement, en France, certains considèrent que ce sujet devrait être davantage intégré dans le cadre d’une évaluation plus globale du comportement adapté aux valeurs de l’entreprise : respect de l’autre, de sa différence et de sa santé.
L’objectif n’est pas de stigmatiser mais de fixer un cadre clair pour qu’en cas de comportement déviant, tout le corps social s’accorde à dire que ce n’est pas acceptable. Le seuil de tolérance zéro doit être partagé.
La seconde difficulté pour les responsables RH réside dans la qualification des faits et l’établissement des preuves. La formation des responsables RH et des managers est pour cela primordiale. Elle est un outil essentiel afin que les RH soient prêts à gérer les situations individuelles et collectives en cas de signalement. Il est d’ailleurs important d’avoir établi en amont une procédure adéquate, claire et connue de tous. Une formation des responsables RHsur la méthode à suivre pour diligenter une enquête interne est utile pour savoir libérer la parole des victimes souvent fragiles qui doivent être traitées avec le plus grand respect de la personne et en toute confidentialité. « Factualiser », objectiver la situation et rassembler les preuves. Les RH doivent à la fois protéger les victimes mais aussi respecter la présomption d’innocence de la personne accusée de harcèlement. On ne peut pas sanctionner par défaut et on ne pas laisser faire par défaut.

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