Entretien avec Christian DOUTREMEPUICH : Vers la photo – ADN

EXTRAIT DE LA REVUE DE DROIT PÉNAL – N°9 – SEPTEMBRE 2018 ©LEXISNEXIS SA

Vers la photo – ADN

CaptureDossierDroit pénal : Comment est née la technique dite de « portrait-robot génétique » ?

Pr. Doutremepuich : Pour ma part je préfère parler de « photographie génétique », c’est plus précis car le « portrait-robot » évoque un dessin… À l’origine dans les années 1985 à 1990 on travaillait sur des segments d’ADN analysés suivant la méthode du Professeur Jeffreys bientôt abandonnée au profit de la PCR (Polymerase Chain Reaction) puis de l’analyse « d’unités répétitives » à partir de 1994 quand on découvre que chaque individu présente un nombre d’unités répétitives propre. C’est  devenu la méthode universelle d’analyse ADN pratiquée dans le monde entier. Dans les années 2000 on découvre l’existence de mutations ponctuelles, les SNP[1], propres à chaque personne. Les tous premiers ont été analysés à l’occasion de l’identification des victimes de l’attentat du Word Trade Center. Ce n’est qu’un peu plus tard vers 2010, que notre laboratoire a commencé à travailler sur le « portrait-robot » ou « photo génétique » avec d’autres équipes. Le postulat de ces recherches est que si l’on admet, par exemple, que la forme du visage est en partie d’origine génétique, alors on devrait pouvoir trouver les séquences ADN qui en sont responsables puis les analyser.

Dr. pén. : Quels sont justement les caractères morphologiques pouvant être révélés à ce jour ?

Pr. Doutremepuich : L’aboutissement de ces recherches a été l’identification de segments ADN portant des SNP en relation avec la couleur des yeux, la couleur de la peau et la couleur des cheveux. Nous avons alors eu une discussion au sein de notre laboratoire à laquelle ont participé des magistrats, des policiers, un philosophe de renom et même un prêtre bouddhiste avec l’ensemble de notre équipe, pour déterminer si moralement, il convenait de poursuivre ou non cette recherche. Ceci nous a conduit à définir un cadre de travail bien précis, fondé sur la distinction entre deux situations : soit l’analyse a pour conséquence la révélation de « caractères publics » (couleur des yeux, de la peau ou des cheveux, oreilles décollées etc …) et dans ce cas on peut faire l’analyse ; soit il s’agit de caractères privés comme une maladie ou un caractère ethno-géographique, auquel cas nous nous sommes moralement interdit toute analyse. Pour résumer, on n’analyse que ce qui se voit et on exclut ce qui relève de l’histoire de la personne, qui lui est propre. Nous avons défini ce cadre dès le début et nous nous y tenons strictement. Ainsi, l’histoire de la France, a été marquée par des drames reposant sur l’origine ethnique. Aussi, il n’est pas possible de réaliser cette analyse, même si l’intérêt des enquêteurs est important et qu’elle se réalise dans d’autres pays comme les États-Unis.

 

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