EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 40 – 30 SEPTEMBRE 2019
LA SEMAINE DU DROIT L’ENTRETIEN
CONSEIL D’ÉTAT
« Le Conseil d’État n’est pas une institution désincarnée, installée dans sa tour d’ivoire »
Entretien avec BRUNO LASSERRE, vice-président du Conseil d’État
Nommé vice-président du Conseil d’État en mai 2018, Bruno Lasserre dresse le bilan de sa première année à la tête de la Haute-juridiction administrative, qu’il décrit comme un « acteur de terrain au service des citoyens », et qu’il souhaite plus ouverte et plus accessible. Il revient sur les enjeux d’avenir : l’augmentation du contentieux, l’inflation législative ou encore l’open data, et aborde les liens qu’entretiennent le Conseil d’État et la Cour de cassation (V. dans ce numéro, JCP G 2019, act. 791, Portrait de T.-X. Girardot, secrétaire général du Conseil d’État ; Dr. adm. 2019, entretien 1).

La Semaine Juridique, Édition générale : Quelles orientations avez-vous souhaité donner au Conseil d’État depuis le début de votre mandat ?
Bruno Lasserre : Lorsque j’ai pris mes fonctions de vice-président du Conseil d’État, il y a près d’un an et demi, j’y avais exercé pratiquement tous les métiers. Mais j’avais également passé une importante partie de ma carrière à l’extérieur, en particulier au ministère des postes et des télécommunications et, pendant douze années, à la tête de l’Autorité de la concurrence. C’est donc enrichi d’un double regard sur le Conseil d’État, un regard interne et externe, que j’ai défini les orientations que je souhaite lui donner.
Il y a avant tout une orientation transversale, qui concerne l’ensemble des activités du Conseil d’État : c’est celle de continuer à ouvrir l’institution sur l’extérieur, afin qu’elle soit plus en prise avec les acteurs de la société et les problématiques de notre pays.
S’agissant de notre activité juridictionnelle, l’effort d’ouverture s’est par exemple traduit, en plein accord avec Jean-Denis Combrexelle, qui a pris ses fonctions de président de la section du contentieux le jour même où je commençais les miennes, par la généralisation de la « nouvelle rédaction » des décisions de justice, dorénavant plus claires, plus lisibles, plus compréhensibles. Je souhaite également réfléchir aux moyens de développer l’oralité dans les audiences de la section du contentieux, car le dialogue direct entre le juge et les parties renforce la confiance dans l’oeuvre de justice et permet au juge de mieux approcher la vérité des dossiers. Je crois par ailleurs que la légitimité du juge administratif doit se construire et se reconstruire jour après jour : elle implique que nous soyons un juge à la fois ouvert sur le monde, innovant, un juge qui sait se mobiliser dans l’urgence pour apporter des réponses utiles à ceux qui le saisissent, un juge qui se préoccupe des effets concrets de ses décisions sur l’action administrative et la vie des gens, un juge qui investit pour comprendre les enjeux économiques et sociaux sous-jacents aux litiges, un juge, enfin, qui sait apaiser les tensions et restaurer la confiance.
S’agissant de notre activité consultative, je me suis engagé à approfondir les relations du Conseil d’État avec le Parlement afin de mettre notre expertise à la disposition du législateur et de contribuer ainsi à la sécurité juridique de la loi, qu’elle soit d’origine gouvernementale ou parlementaire. Nous devons poursuivre nos efforts pour simplifier le droit. Je veux aussi que le Conseil d’État, en tant qu’expert juridique, s’affirme davantage comme une force de conseil dans le pilotage stratégique des grands projets, notamment d’infrastructures, afin de mettre en évidence leurs écueils juridiques tout en dégageant, le cas échéant, des voies alternatives…

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck