Errare – Arrêt des réformes

Extrait de la Revue : La Semaine Juridique Edition Générale n°13

ÉDITO

 Jean Hauser   

« Militons pour un arrêt des réformes pour la réforme, sans considération de son contenu. »

En ce temps où l’on crée des tribunaux et cours pour juger tout et rien, on pourrait proposer de créer un tribunal des erreurs politiques au fronton duquel on inscrirait, bien entendu, Errare humanum est . Composé de gens qui n’ont jamais exercé de responsabilités politiques ou syndicales, qui s’en tiendraient à ce qu’on peut constater et en faisant fi de toutes les explications et contorsions habituelles, ils ne prononceraient pas de peine mais livreraient au jugement de nos contemporains les auteurs de ces bourdes. Sans prétendre épuiser la liste, on traduira, par exemple, les responsables nombreux de la politique du logement en France qui ont imprudemment laissé leur nom et grâce auxquels, exception merveilleuse, le pays se débat toujours dans une crise du logement qui ne date que de….1948 (loi toujours applicable !). On épinglera les ministres de l’éducation dont les folles réformes font que nos ancêtres, même pauvres, savaient lire, écrire et calculer en sortant de l’école primaire et que nos contemporains ne le savent pas toujours en sortant du lycée, ce que tout enseignant du supérieur peut attester sans difficulté. Il ne sera pas compliqué de demander aux différents experts des transports pourquoi jadis les trains arrivaient à l’heure alors que nos trains vont de plus en plus vite…mais entre les arrêts non prévus et les pannes, ce qui aboutit à l’inverse (merci de votre compréhension). Il est vrai qu’après avoir séparé la société des trains et celle des voies ferrées, on s’est aperçu que les premiers roulaient sur les secondes ! Faudra-t-il se pencher sur ceux qui ont recommandé que 80 % (et plus) des élèves aient le bac pour constater ensuite que l’on ne
trouve plus d’apprentis, que certaines professions manquent de bras et que l’Université, transformée en parking, n’en peut plus ? Que ne trouverait t-on à poursuivre tous ceux qui ont modifié la politique pénale tous les ans, dans un sens comme dans l’autre, et rabâché que notre système pénitentiaire était à bout en faisant exactement le contraire de ce qu’il fallait faire ? On garderait pour la fin les responsables de la santé grâce auxquels il faut des mois pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste et les urgences croulent sous le nombre.

Il existe, paraît-il, un office d’évaluation des lois qui semble bien discret et on rêve d’une sorte de Cour des comptes législatifs (ce que tente de faire la Cour des comptes
actuelle) qui, précisément, demanderait des comptes aux auteurs de ces fantaisies. Bien sûr, comme dit le bon sens, tout le monde peut se tromper mais pas toujours. Militons pour un arrêt des réformes pour la réforme, sans considération de son contenu et pour des ministres qui gèrent leur ministère et ne font pas perpétuellement le tour de France pour vendre leur dernière création ! Toute réforme n’est pas vertu en elle-même : non à la réformite. Exigeons d’abord une évaluation sérieuse de la loi précédente avant d’en proposer une énième ! La crise de la France (si elle existe) est une crise de la méthodologie juridique et politique, pas des objectifs qui, dans la plupart des cas, nous sont imposés par d’innombrables facteurs contraints ou acceptés, ce qui fait des promesses de « chiffons de papier » comme Bismarck le disait des
traités. Errare humanum est , sans doute, mais on rajoutera sed perseverare diabolicum . Oui, militons pour un tribunal des fl agrantes erreurs !

LexisNexis revue la semaine juridique édition générale

LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – N° 13 – 27 MARS 2017

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AUTEUR(S) : N. Molfessis, D. Bureau, L. Cadiet, Ch. Caron, J.-F. Cesaro, M. Collet, E. Dezeuze, J. Klein, B. Mathieu, H. Matsopoulou, F. Picod, B. Plessix, P. Spinosi, Ph. Stoffel Munck, F. Sudre, B. Teyssié, S. Torck

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