EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 1 – 8 JANVIER 2021
Manuella Bourassin, professeur agrégé à l’université Paris Nanterre, codirectrice du Master Droit notarial, rapporteur de synthèse du 117e Congrès des Notaires de France
Un décret du 20 novembre 2020 consacre l’acte authentique avec comparution à distance en limitant son champ d’application à la procuration notariée – restriction présentée comme expérimentale par ses promoteurs. La présente étude souligne les atouts de l’expérimentation en termes d’acceptabilité et d’appréciation de la réforme, puis apporte des réponses aux questions que soulève le domaine matériel du décret – pour quelles raisons juridiques circonscrire, dans un premier temps, l’AACD à la procuration et pour quelles opérations juridiques recourir à la procuration notariée à distance.

L’acte authentique avec comparution à distance (AACD) est consacré par le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 20201. – Ce texte pérennise le dispositif autorisé à titre exceptionnel et temporaire par un décret du 3 avril 20202, mais en autorisant la réception sur support électronique et à distance, non pas de tout acte notarié, mais uniquement des procurations. Ne pas ouvrir la comparution à distance à tous les actes notariés peut apparaître suspicieux aux yeux de ses détracteurs et surprenant, voire décevant, pour ceux qui en reconnaissent l’opportunité et la légitimité3. Des arguments peuvent toutefois être avancés au soutien de la limitation de l’AACD aux procurations notariées. 2 – Les atouts de l’expérimentation. – Le ministre de la Justice a évoqué le caractère expérimental de cette limitation dans les termes suivants : « afin de pouvoir apprécier dans la durée les impacts, juridiques et techniques d’une telle pérennisation, il est proposé de circonscrire la faculté de dresser des actes notariés à distance aux seules procurations »4. La restriction, à titre expérimental, du champ d’application de l’AACD témoigne de l’audace prudente du Gouvernement. De fait, si le décret du 20 novembre 2020 ne constitue pas un règlement d’expérimentation au sens constitutionnel du terme5 puisqu’il n’est pas limité dans le temps, la démarche de la Chancellerie s’inscrit indubitablement dans le courant en vogue de l’expérimentation des politiques publiques, caractérisée par l’innovation autant que par la circonspection6. Procéder par étapes présente principalement deux atouts. 3 – L’acceptabilité de la réforme. – D’une part, l’expérimentation permet de renforcer l’acceptabilité de la réforme auprès de ses acteurs, spécialement ceux chargés de sa mise en œuvre, en l’occurrence les notaires. Interrogés par le Conseil supérieur du notariat (CSN) en juin dernier sur l’AACD instauré par le décret du 3 avril 2020, 79,1 % des notaires (titulaires, associés ou salariés) n’ont pas répondu à l’enquête. Au sein de cette majorité silencieuse, il est sans doute des sceptiques et même des réfractaires que l’expérimentation est susceptible de rassurer et peut-être à terme de convaincre, à l’instar de la pratique de l’acte authentique électronique (AAE) puis de l’acte authentique électronique à distance (AAED) ayant conduit en quelques années au succès de l’un7 et de l’autre8.
LA SEMAINE JURIDIQUE NOTARIALE ET IMMOBILIERE
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