[ETUDE] La loi du 23 mars 2019 et la réforme du droit des personnes vulnérables : quelles conséquences pour la pratique notariale ?

EXTRAIT DE LA REVUE LA SEMAINE JURIDIQUE – NOTARIALE ET IMMOBILIÈRE – N° 14 – 5 AVRIL 2019

PERSONNES VULNÉRABLES

La loi du 23 mars 2019 et la réforme du droit des personnes vulnérables : quelles conséquences pour la pratique notariale ?

La loi de programmation et de réforme pour la justice poursuit l’entreprise de déjudiciarisation du droit des personnes et de la famille. Elle supprime l’autorisation judiciaire pour le mariage, le divorce et le Pacs de la personne protégée ainsi que pour l’accomplissement de plusieurs actes de gestion de son patrimoine. Le juge disparaît du contrôle des comptes de gestion au profit de la création d’un contrôle intrafamilial ou externalisé de la mission du protecteur. L’ensemble de ces évolutions a des effets directs sur lapratique du notaire.

Nathalie Peterka, professeur à l’université Paris-Est Créteil (UPEC, Paris 12), directrice du M2 Protection de la personne vulnérable et du M2 Droit privé des personnes et des patrimoines

1 – La loi du 23 mars 20191 vient à la suite des critiques adressées à la loi du 5 mars 2007 ainsi que des propositions du rapport de la mission interministérielle sur la protection des majeurs2. Précisons d’emblée que les dispositions ci exposées sont applicables à compter du 25 mars 2019, à l’exception de’article 512, alinéa 2 du Code civil, dans sa rédaction résultant de l’article 30 de la loi, relatif au contrôle externe des comptes de gestion, qui entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023. En l’absence de contrôle interne, la vérification et l’approbation des comptes de gestion établis antérieurement à cette entrée en vigueur restent donc dévolues au directeur des services de greffe judiciaire dans les conditions prévues aux articles 511 et 513 du Code civil dans leur rédaction antérieure à la loi nouvelle.

2 – La loi nouvelle fait écho au rapport de la mission interministérielle
ainsi qu’à celui de Mme Catalina Devandas-Aguilar au Conseil des droits de l’homme de l’ONU sur les droits des personnes handicapées. L’article 12 de la CIDPH conduirait à repenser l’architecture française des mesures de protection afin de garantir un meilleur respect des droits fondamentaux de la personne vulnérable et limiter les mesures de protection substitutives.
Ce souci a amené le législateur à retoucher la mesure d’habilitation familiale. Il se prolonge sur le terrain de la protection judiciaire où il se traduit, malgré le maintien d’un juge dédié (COJ, art. L. 213- 4-2), par un recul sans précédent de la place du juge. Sous couvert de recentrer la justice sur le règlement des situations conflictuelles, auquel se réduirait sa mission première, la loi amplifie le phénomène de déjudiciarisation du droit des personnes et de la famille, amorcé par la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 et l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015. L’abrogation de la faculté du juge des tutelles de supprimer le droit de vote de la personne en tutelle n’en est pas le moindre des symboles (C. élect., art. L. 72- 1). Il en est de même de l’inversion de la pyramide du principe de subsidiarité. Le mandat de protection future se trouve propulsé au sommet des dispositifs de protection pour primer, non seulement les mesures de protection judiciaire mais, encore, le droit commun de la représentation, le régime primaire et le droit des régimes matrimoniaux (C. civ., art. 428 et 483, 4°). Au-delà, la déjudiciarisation – qui atteint l’union de la personne protégée (1), les actes du tuteur (2) ainsi que le contrôle des comptes de gestion (3) – touche en substance la pratique du notaire…

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AUTEUR(S) : Conseil scientifique : Ch. Blanchard, H. Bosse-Platière, C. Brenner, G. Durand-Pasquier, M. Julienne, L. Leveneur, M. Mekki, P. Murat, S. Piedelièvre, Ph. Pierre, F. Terré. Comité d’experts : D. Boulanger, M.-F. Zampiero Bouquemont, E. Clerget, F. Collard