[Étude] Le gage du Code civil retrouve ses lettres de noblesse – Claire Séjean-Chazal

EXTRAIT DE LA SEMAINE JURIDIQUE – ÉDITION GÉNÉRALE – SUPPLÉMENT AU N° 43-44 – 25 OCTOBRE 2021

Claire Séjean-Chazal, professeur à l’université Sorbonne Paris Nord (Paris 13)

L’ampleur de la réforme du gage en 2021 se mesure bien davantage à ce qu’elle supprime qu’à ce qu’elle modifie positivement. De nombreux régimes spéciaux, décriés notamment pour leur obsolescence ou leur redondance avec le droit commun, sont enfin abrogés. Pour contrebalancer ces suppressions, le régime du gage du Code civil est amélioré, afin d’y accueillir les hypothèses couvertes par les anciens gages spéciaux, tout en y intégrant, lorsque le besoin se faisait sentir, les spécificités utiles de ces régimes. Le Code civil abrite donc désormais le droit commun du gage.

  1. Préciser les règles du gage de droit civil
    4 – Les 15 années écoulées depuis la dernière réforme du droit des sûretés ont permis d’identifier des difficultés pratiques auxquelles l’ordonnance du 15 septembre 2021 s’efforce d’apporter un remède. Ces améliorations portent tant sur les conditions de constitution du gage (A), que sur ses effets (B).

1 – L’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 restera dans les mémoires comme la grande réforme du gage(1). Elle en avait clarifié la définition, en en faisant la sûreté mobilière sur bien corporel. En revanche, cette sûreté mobilière n’est clairement pas le centre névralgique de la réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-119(2) du 15 septembre 20212. Cependant, les modifications ne doivent pas être négligées car elles ne sont pas si modestes qu’il y paraît à la lecture des nouveaux textes du Code civil(3). En effet, l’ampleur de la réforme du gage en 2021 se mesure bien davantage à ce qu’elle supprime qu’à ce qu’elle modifie positivement. Les abrogations, tant réclamées depuis 2006(4),pleuvent : quatre articles du Code civil, près de soixante-dix dans le Code de commerce, sans compter les lois spéciales(5). Le plan du Code civil est lui-même allégé : supprimées, les sections scindant aujourd’hui le chapitre dédié au gage entre un droit commun (section I), un droit spécial pour le véhicule automobile (section II), et un rappel de l’application des règles spéciales notamment de droit commercial (section III)(6). Le futur chapitre II consacré au gage de meubles corporels sera constitué d’un seul bloc, indivisible, ne laissant plus apparaître de droit spécial.
2 – Par ces amputations, la réforme de 2021 crée un symbole fort : le Code civil redevient le siège principal du droit du gage et en accueille le droit commun(7). Notre droit des sûretés y gagne en lisibilité(8) – et espérons-le, en attractivité.
3 – Alors qu’aujourd’hui le Code civil propose un régime de gage de droit commun, s’opposant à des régimes spéciaux(9), à partir du 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance(10), le Code civil abritera le droit commun du gage. Demain comme aujourd’hui, cette sûreté se définit comme « la convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien
mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs » (C. civ., art. 2333 inchangé). Parallèlement, les autres codes seront largement expurgés de leurs sûretés spéciales sur meubles corporels. Pour tracer les contours de ce nouveau droit commun du gage, l’article 8 de l’ordonnance de 2021 a suivi deux axes, correspondant aux orientations fixées par la loi Pacte du 22 mai 2019(11). D’une part, elle tend à « Préciser les règles du Code civil relatives au gage de meubles corporels qui soulèvent
des difficultés d’application »12 (1). D’autre part, elle effectue quelques adaptations au sein du Code civil, rendues nécessaires par l’« abrogation des sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles, pour les soumettre au droit commun du gage »13 (2).

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